Qu’est-ce que la PEPS ?

Classe inversée, MOOC, flipped class, blinded learning… Depuis quelques mois, les expressions se succèdent pour désigner ce que d’aucuns considèrent comme une révolution pédagogique. Un bref historique de ces méthodes permet cependant d’en relativiser le caractère  novateur. Ce n’est en effet pas tant la pédagogie que les outils qui ont évolué.  La véritable révolution des pratiques reste quant à elle encore largement à inventer dans les salles de classe.

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En 1985, France Henri et Anthony Kaye envisageaient déjà le recours à l’audiovisuel et la télématique dans leur réflexion sur Le savoir à domicile  (Presses de l’université du Québec). Ce à quoi ils n’oubliaient pas cependant d’associer d’emblée une réflexion sur les enjeux politiques et organisationnels des formes modernes de l’enseignement.

France Henri et Anthony Kaye, Le savoir à domicile (Presses de l’université du Québec, 1985)
France HENRI et Anthony KAYE, Le savoir à domicile (Presses de l’université du Québec, 1985)

Trente ans plus tard, on ne parle plus de télématique mais la nécessité d’une réflexion pédagogique de fond est d’autant plus urgente que les nouvelles technologies de l’information et de la communication s’améliorent à une vitesse tellement insolente et qu’elles n’hésitent désormais plus à venir frapper avec insistance à la porte des salles de classe.

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1. Les prémices des MOOCs

Récemment, ce sont avant tout les amphithéâtres des universités qui ont fait l’objet des assauts les plus aboutis que l’on regroupe désormais sous l’acronyme de MOOC (Massive Open Online Course).

Bien que l’on puisse désormais écrire une archéologie des MOOCs à partir d’expériences individuelles, la première expérience officielle dans ce domaine a été lancée en 2008 par deux enseignants qui sont parvenus à rassembler 1900 étudiants pendant 12 semaines autour d’un cours organisé/bricolé à partir de différents outils gratuits (un wiki, un blog, un forum Moodle, un agrégateur, un compte Twitter et une platefome de diffusion vidéo en streaming).

Aujourd’hui, l’expérience est devenue un véritable phénomène mondial et toutes les universités essaient désormais de s’inscrire dans cette vague aux principes assez simples. Le gouvernement français a d’ailleurs réagit non seulement en proposant une plateforme visant à rassembler les initiatives des universités françaises, mais aussi en proposant une traduction officielle publiée au Journal officiel mais que personne n’utilise vraiment : les cours en ligne ouvert à tous.

Cliquez sur l'image pour visualiser une infographie sur l'arrivée des MOOCS en France (Source : hellomentor)
Cliquez sur l’image pour visualiser une infographie sur l’arrivée des MOOCS en France (Source : hellomentor)
Ressources complémentaires sur les MOOCs
  1. France Université Numérique (FUN) : la plateforme officielle des MOOCs proposés par les universités françaises
  2. Une présentation un peu plus large des MOOCs sur le site de l’ONISEP
  3. La présentation très complète d’Olivier Ertzscheid, Enseignant-chercheur (Maître de Conférences) en Sciences de l’information et de la communication.

  2. Le MOOC dans l’enseignement secondaire : une simple classe inversée ?

Bien qu’initialement pensée pour l’enseignement supérieur, de nombreux professeurs du primaire et du secondaire se sont emparés de cette nouveauté pour l’adapter au contexte de leurs classes. Comme pour les MOOCs, les anglo-saxons ont été les premiers à imaginer le principe des « flipped-classes » que l’on a rapidement traduit par l’expression de « classes inversées ».

Le spécialiste francophone de la question s’appelle Marcel LEBRUN et c’est encore lui qui en parle le mieux :

Cependant, comme l’explique Marcel LEBRUN dans cette courte présentation, il est caricatural de considérer qu’il suffit simplement d’inverser le temps d’enseignement (temps de transmission des connaissances) et le temps d’apprentissage (temps des exercices pratiques).

Tout enseignant ayant essayé de mettre en œuvre cette pratique pédagogique s’est rapidement rendu compte qu’il n’était pas question de tout inverser pour systématiquement externaliser l’enseignement hors de l’espace-classe. C’est pourquoi l’expression de « blended learning » (« apprentissage mixte ») s’est finalement imposée.

Ressources complémentaires sur les classes inversées
Il existe désormais des centaines d’articles consacrés à la classe inversée. Ces orientations bibliographiques se veulent simples et synthétiques. 
  1. Un site Internet est entièrement consacré à cette question : www.classeinversee.com
  2. Un dossier complet sur le site Canopé de l’Académie de Reims
  3. Un autre dossier complet sur le site québécois « Carrefour Education »
  4. Une approche théorique mais intéressante de la classe inversée
 

3. Pour une pédagogie participative et sociale (PEPS)

Avant de réfléchir à la mise en œuvre d’une telle méthode d’enseignement, il convient de réfléchir à son utilité : quelle valeur ajoutée peut-elle apporter aux élèves ? Peut-on envisager de meilleures conditions d’apprentissage ? Voire améliorer la réussite scolaire ? 

C’est pourquoi il me semble plus intéressant d’utiliser l’expression de « pédagogie participative et sociale » qui a le mérite d’insister davantage sur l’intérêt pédagogique induit par la méthode plutôt que sur la méthode en elle-même :

a) Une pédagogie qui donne du sens aux élèves

L’un des principaux intérêts de la PEPS est de consacrer davantage de temps à la réalisation d’exercices visant à résoudre des problèmes, réaliser des tâches complexes et/ou à exercer son esprit critique.

Les connaissances ne sont en effet plus transmises dans une seule logique accumulative et encyclopédique, mais dans la perspective de libérer ensuite du temps pour débattre, répondre à une problématique ou bien rédiger une synthèse.

b) Une pédagogie au service des élèves en difficulté

Dans une logique de transmission frontale/magistrale des connaissances, il est rare de pouvoir déceler les élèves qui décrochent car ils n’osent pas toujours poser de questions et parce que la programmation impose un certain rythme théorique d’avancement. Bien qu’il s’agisse actuellement de la pédagogie la plus utilisée dans l’enseignement en France, de nombreux pédagogues tels que Bruno HOURST ont montré qu’elle n’était pas nécessairement la plus efficace et qu’elle est loin de correspondre à tous les élèves.

Or, dans le cadre de la PEPS, plusieurs moments permettent à l’enseignant de venir en aide aux élèves en difficultés, soit collectivement, soit individuellement :

  •  tout d’abord, l’élève dispose d’un support de cours (manuel, vidéo, polycopié, etc.) qu’il peut assimiler à son rythme et en plusieurs fois s’il en a besoin,
  • ensuite, le professeur peut être soit à ses côtés, soit répondre à ses questions via un forum pendant la phase d’enseignement,
  • enfin, pendant la phase d’apprentissage, le professeur peut encore une fois répondre aux questions des élèves, voire les inviter à reprendre certains points précis s’il constate que des difficultés sont rencontrées dans la réalisation de l’activité.

La multiplicité de ces moments privilégiés avec le professeur constituent une urgence dans notre système scolaire où de nombreuses études ont permis de montrer que nos élèves préfèrent souvent ne pas participer en classe plutôt que de se tromper.

c) Une pédagogie qui développe le travail d’équipe, la solidarité et la construction collective des savoirs 

Dans le cadre d’une pédagogie frontale, les élèves doivent prendre le cours en notes avant de se confronter le plus souvent seuls à la maison aux exercices d’application.

Dans le cadre de la PEPS, les élèves disposent d’un forum de discussion sur lequel ils peuvent interpeler le professeur, mais aussi les autres élèves de la classe.

En classe, un temps plus important est consacré au travail en équipe et à la mise en œuvre d’activités qui ne conduisent pas nécessairement à une réponse uniformisée, mais à la réalisation de réponses complémentaires.

d) Une pédagogie qui permet de diversifier les pratiques

Le temps dégagé par la diminution du temps de transmission des connaissances permet d’envisager la multiplication des pratiques pédagogiques que l’on abandonne souvent faute de temps dans la programmation : exposés, travaux en équipes, concours, jeux sérieux… sont autant de possibilités permises pas la pratique régulière de la PEPS.

e) Une pédagogie qui permet de développer les compétences informatiques des élèves

Que ce soit à la maison ou en classe, la pratique de la PEPS laisse une place importante à l’usage de l’outil informatique, répondant ainsi davantage aux nouvelles exigences dans ce domaine. Non seulement les élèves sont invités à utiliser un environnement numérique, mais ils sont également invités à initiés à la production de contenus, au partage des informations, à la communication en réseau avec le reste de la classe et à la responsabilisation sur la toile.

f) Une pédagogie qui invite à réellement penser la place du travail à la maison

Contrairement à ce que laisse entendre certains articles sur la classe inversée, il n’est pas question d’externaliser l’ensemble de la phase d’enseignement à la maison. Il serait d’ailleurs illusoire de considérer que les difficultés rencontrées actuellement avec le travail à la maison seraient immédiatement résolues avec cette méthode. En revanche, la PEPS implique de réfléchir davantage au statut du travail à la maison à la lueur des dernières études dans ce domaine. Il apparaît en effet qu’actuellement, cette phase de l’apprentissage consiste essentiellement en une relecture des cours, l’apprentissage par cœur et la réalisation d’exercices d’application dont la rentabilité est statistiquement contestable.

Dans le cadre de la PEPS, le temps de travail à la maison n’est pas envisagé comme une relecture ou l’apprentissage par cœur d’un cours, mais bien comme une activité d’appropriation qui peut se présenter sous différentes formes :

  • prise de notes sur une vidéo,
  • repérage d’informations par l’intermédiaire d’un questionnaire,
  • écriture d’une synthèse.

En somme, le professeur propose des activités permettant d’aider ses élèves à apprendre dans la perspective ensuite de réserver le temps en classe à la réalisation d’exercices pouvant éventuellement mettre les élèves en difficulté et nécessiter son soutien et ses conseils.

Blackboard-BroochDerrière ces principes généraux, il existe une multitude d’activités et de mises en oeuvre envisageables dans le cadre de la PEPS. Ce blog a pour ambition d’en présenter quelques exemples.

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