Certains collègues sont très réticents à l’idée de proposer des parties, voire la totalité de leurs cours sur le web au motif que cela constituerait un dessaisissement du pouvoir intellectuel du professeur légitimant son autorité en classe et son statut professionnel dans la société. Pendant longtemps, j’ai été l’un de ces collègues…
Google est-il vraiment ton ami ?
Et puis un jour, je me suis aperçu que cette croyance reposait sur une vision très éculée du métier et qu’elle était devenue complètement anachronique à une époque où les élèves peuvent désormais vérifier en quelques secondes sur leurs smartphones si la date que vient de donner le professeur est correcte.
D’où la question suivante : qu’est-ce qui retient les élèves assis pendant des heures à écouter un professeur parler d’un sujet qui n’aura probablement aucune utilité directe pour leur avenir et dont il est possible de retrouver les principaux éléments en deux clics sur le Net ?
- Parce que c’est comme cela que leurs parents, que leurs grand-parents, que leurs arrière grand-parents… ont appris,
- Parce que l’école propose une progressivité des apprentissages que les élèves ne pourraient pas mettre en oeuvre en autonomie,
- Parce que c’est obligatoire pour évoluer dans le système scolaire et obtenir des diplômes nécessaires dans la poursuite de leur cursus,
- Parce que l’école est un lieu de sociabilité d’où les élèves ne repartent pas seulement avec des connaissances, mais aussi avec des compétences sociales et une formation citoyenne,
- Parce que pour un certain nombre d’élèves, « apprendre » est aussi synonyme de « plaisir ».
Pour ces derniers, le travail du professeur n’est pas très compliqué. Seul ou en groupe, avec un stylo ou un clavier, avec un prof ou un livre, ils ont envie d’apprendre ! C’est pour les autres que la tâche est plus ardue et qu’il devient parfois nécessaire de justifier l’utilité de l’école.
Or, depuis quelques années, le traditionnel « A quoi ça va me servir plus tard ? » est progressivement supplanté dans le Top 10 des complaintes de l’élève par le nouveau « Pourquoi j’apprendrais toutes ces définitions alors que Google est mon ami ?« .
L’enseignant est un ingénieur pédagogique
Face à cette évolution de l’offre culturelle, le métier d’enseignant n’a guère d’autre choix que d’évoluer face au risque de se retrouver rapidement submergé par une vague numérique. Dans un contexte de réduction budgétaire permanent, les politiques publiques ne tarderont pas en effet à proposer des formations en ligne susceptibles de remplacer plusieurs centaines de professeurs si ces derniers ne s’emparent pas eux mêmes rapidement de ces outils.
L’un des meilleurs arguments de prévention contre ce tsunami numérique est probablement apporté par Bruno Devauchelle qui a récemment proposé le concept d’ « ingénierie pédagogique » pour qualifier le travail des enseignants :
En somme, il s’agit de rappeler que le fondement du métier ne repose pas uniquement sur la transmission des connaissances, mais sur la capacité à mettre en oeuvre des stratégies d’apprentissage et une scénarisation du cours adaptées à un environnement social, à un groupe classe plus ou moins cohérent, à l’heure du cours dans l’emploi du temps, à la réactivité des élèves… C’est-à-dire à une multitude de paramètres qu’il est impossible de modéliser et systématiser par l’intermédiaire d’une machine.
Vers un accompagnement plus efficace de l’élève
L’argument défensif ne suffit pas cependant car les ressources en libre-service existent déjà et que nos élèves ne nous ont pas attendu pour s’en emparer.
Quand j’ai commencé à enseigner en lycée, j’ai d’abord été désemparé par des élèves qui se présentaient dans ma classe avec les cours du CNED ou d’autres organismes sur le bureau. Rapidement, je me suis pourtant aperçu qu’ils n’avaient pas forcément l’intention de me piéger ou de contester mon enseignement, mais plutôt qu’ils avaient compris que le cours du CNED leur permettait d’avoir une base solide en termes de connaissances, afin de mieux profiter du temps de classe pour me poser des questions d’éclaircissement ou d’approfondissement. Or, cette stratégie s’est avérée contre-productive pour ces élèves car une partie non-négligeable du temps en classe est utilisé pour la transmission des connaissances que leurs camarades n’avaient pas forcément acquises.
Dans le cadre de la PEPS, ce temps d’enseignement ex cathedra qui constitue aujourd’hui l’essentiel du temps de classe est réduit à sa portion congrue pour dégager du temps d’apprentissage. Or, cela nécessite pour l’enseignant d’adopter une posture qui pourra paraître naturelle à certains, mais beaucoup plus difficile à concevoir pour d’autres.
- D’abord, il faut apprendre à se taire en classe pour laisser les élèves se concentrer sur les activités, voire se tromper en leur laissant le temps de s’auto-corriger,
- Ensuite, il faut accepter de ne pas apporter le même enseignement à tous les élèves, mais à intervenir auprès de groupes, voire auprès d’individus, en fonction des difficultés rencontrées.
- Cela signifie aussi a contrario qu’il faut apprendre à gérer une multitude de groupes en repérant ceux qui sont en difficulté, tout en ne donnant pas l’impression aux autres qu’ils sont abandonnés.
- Enfin, il faut réussir à mettre tout le monde au travail en évitant que des élèves ne parviennent à se reposer systématiquement sur le groupe.
Tous ces éléments sont au cœur de la PEPS et justifient le rôle essentiel de l’enseignant dans la mise en oeuvre intelligente et efficace des ressources disponibles sur le web.
Pas de révolution pédagogique sans prof
D’ailleurs, les premiers résultats de l’utilisation des MOOCs dans le supérieur et des capsules vidéo dans le secondaire tendent à montrer qu’il était illusoire d’imaginer que ces ressources pourraient constituer à elles seules une révolution pédagogique.
La vidéo est certes plus séduisante que le livre aux yeux de certains adolescents. Elle permet parfois de réveiller la motivation des élèves… mais devient complètement inutile si l’enseignant n’est pas présent à toutes les étapes du processus d’apprentissage pour expliquer les consignes, fixer le calendrier de progression, débloquer des incompréhensions, ou bien proposer des exercices d’entraînement adaptés au niveau de chaque élève.
Schoology est maintenant disponible en Français.
Merci beaucoup pour cette information