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La PEPS soutient Inversons la Classe ! sur La France S’Engage.fr

Inversons la Classe ! est une association qui a pour but de favoriser la réussite de tous les élèves au travers de la pratique de la Classe Inversée. Elle est notamment à l’initiative de la première semaine de la classe inversée (#CLISE2016), mais aussi du premier congrès francophone de la classe inversée (CLIC) qui se tiendra à Paris au mois de juillet 2016.

La méthode pédagogique qu’elle promeut a été reconnue comme un dispositif innovant pouvant aider les équipes éducatives à mieux répondre aux défis de leurs métiers. C’est pourquoi cette association a été sélectionnée parmi les projets finalistes de La France s’engage qui vise à reconnaître et soutenir les actions ayant fait leurs preuves et pouvant bénéficier d’un soutien de l’Etat pour poursuivre leurs missions.

Pour bénéficier de ce label et ainsi poursuivre le développement de la classe inversée au plus près des enseignants, l’association a besoin de votre soutien. Aujourd’hui, vous pouvez l’aider en votant sur Inversonslaclasse.fr jusqu’au vendredi 16 juin 2016 à 25h59.

Merci d’avance

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Inauguration de la foire aux ressources numériques éducatives

Début novembre 2015, la ministre de l’Education nationale a fait des annonces importantes dans le journal Les Echos à propos des ressources numériques qui doivent accompagner la réforme du collège et la mise en oeuvre des nouveaux programmes.

Foire aux ressources numériques

Selon Najat Valaud-Blekacem, les enseignants disposeront à la rentrée 2016 d’une « banque de ressources disciplinaires » et d’« applications mobiles » pour mettre en oeuvre les nouveaux programmes scolaires. Par ailleurs, ils pourront dans le cadre de leur liberté pédagogique bénéficier d’une dotation calculée sur le nombre d’élèves pour acheter d’autres ressources numériques. Enfin, des ressources venant de grands établissements culturels et scientifiques, mais également « des ressources de soutien scolaire« , enrichiront l’offre numérique et seront mises à disposition des enseignants et des familles sur un portail dès la rentrée scolaire.

Face à cette farandole d’annonces, les chiffres partent dans tous les sens et finissent par donner le tournis : 1 milliard d’euros pour le numérique à l’école, dont seulement 192 millions en 2016, pour une montée en puissance envisagée en 2017 et 2018 (soit après les élections présidentielles et législatives… sous condition bien entendu d’être encore au pouvoir et de bénéficier d’un contexte économique favorable). Concernant plus précisément les ressources numériques, 3 millions d’euros sont prévus pour les applications mobiles, 14 millions pour les collèges du plan numérique, 30 euros par élève et par an pour d’autres ressources, et 13 millions pour soutenir la filière e-éducation.

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Un financement obscur

Le problème avec tous ces chiffres, c’est que l’on ne précise évidemment jamais vraiment s’ils valent pour une année ou pour plusieurs, ni s’ils sont cumulatifs ou imbriqués les uns dans les autres. L’objectif étant avant tout de faire rêver les industriels, les éditeurs, les parents, voire quelques profs, en espérant que personne ne sorte sa calculette pour faire le tri et les comptes.

Ce n’est pas le cas du président de l’Association française des industriels du numérique de l’éducation et de la formation (Afinef) Hervé Barredon qui, dans ce qu’il convient désormais d’appeler un tsunami numérique, nage à contre-courant et regrette la modestie de l’enveloppe budgétaire consacrée aux ressources numériques au regard des manuels papier dont le renouvellement est censé engloutir 150 millions d’euros. Dès lors, les annonces du ministère deviennent plus confuses : les 150 millions d’euros ne seraient pas réservés à la seule édition des manuels papiers, de nouveaux appels à projet devraient être lancés (quand ? pourquoi ?) et l’enveloppe totale consacrée aux ressources numériques serait en fait de 40 millions d’euros ! Le ministère rappelle en effet qu’aux 18 millions consacrés aux ressources numériques, il faut ajouter les 3 millions sur les applications mobiles, les 5 millions pour les ressources issues de grands établissements culturels et scientifiques, mais aussi 14 millions pour l’achat de ressources complémentaires.

Mais là encore, la cohérences des chiffres interroge puisqu’il a été promis 30 euros par an et par élève en ressources numériques complémentaires, ce qui représente un budget total de 300 millions d’euros pour les plus de 10 millions d’élèves scolarisés à l’école et au collège (les lycéens étant exclus pour le moment de ces promesses mirobolantes). J’ai beau refaire le calcul dans tous les sens, je ne parviens pas à comprendre comment le ministère parvient à 14 millions en multipliant 30 par 10 millions…

Et encore de nombreuses interrogations

Il n’y a d’ailleurs pas que sur la question budgétaire que la réaction des éditeurs recueillie par Marie-Christine Corbier est pour le moins réservée. D’autres questions lancinantes sont en suspens concernant les délais, l’organisation et la qualité des ressources proposées.

Les éditeurs ont en effet jusqu’au 4 décembre pour candidater à un appel d’offre dont les résultats seront connus fin janvier 2016. Ils sont donc censés ensuite produire des ressources pour les classes de CM1 jusqu’aux classes de Troisième (soit 6 niveaux de classe…) en seulement quelques semaines afin de les présenter aux enseignants en juin et de les rendre utilisables en septembre 2016. Bien que le ministère argue de discussions anciennes avec les éditeurs en réponse aux accusations de l’opposition qui crie à l’impréparation et à la précipitation, il est tout de même assez illusoire d’imaginer que des sociétés privées aient investi des moyens gigantesques par anticipation d’un appel d’offre que même Hervé Borredon, en sa qualité de président de l’association française des industriel du numérique de l’éducation et de la formation supposé bien informé, déclarait craindre « qu’il ne sorte pas« …

Par ailleurs, les expériences récentes dans le domaine des ressources numériques ont de quoi laisser songeur quand on apprend que le ministère de la Culture a officiellement lancé sans s’en rendre compte en octobre 2015 une plateforme d’images d’art qui existe déjà depuis plus d’un an dans une version plus riche, plus précise et plus pratique.

Qu’en sera-t-il de ce nouveau portail promis aux enseignants, aux élèves et à leurs parents à la rentrée 2016 alors qu’il existe déjà depuis quelques années un portail appelé éduthèque dont les potentialités sont encore loin d’être totalement exploitées ?

Qu’en sera-t-il également du lycée qui est pour le moment complètement délaissé par la réforme et ce plan numérique… mais qui devra pourtant accueillir très rapidement les élèves qui sortiront des collèges devenus numériques et connectés ?

Quel avenir enfin pour un établissement public national tel que le CNED lorsqu’il est annoncé que « des ressources de soutien scolaire » seront proposées gratuitement en ligne par l’éducation nationale ? Cela signifie-t-il que le gouvernement a décidé d’attaquer frontalement les dizaines d’entreprises de soutien scolaire privées qui se multiplient sur le territoire national ?

Vers une synergie des talents ?

En juillet 2014, nous avions déjà publié un appel à la modernisation des ressources scolaires sur le site de la PEPS. Depuis, force est de constater que l’offre s’est largement étoffée.

Les éditions Magnard ont par exemple accepté de suivre le pari d’un renouvellement du modèle économique dont j’esquissais alors les grandes lignes. Depuis la rentrée 2015, le nouveau manuel de Seconde en histoire et géographie propose des ressources numériques qui ne sont plus supplémentaires, mais bien complémentaires du manuel papier, constituant ainsi un produit d’appel de qualité, disponible facilement et gratuitement en ligne.

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La société Pythagora poursuit également son développement en proposant régulièrement de nouvelles ressources convaincantes et novatrices dans l’attente du marché numérique à venir qui devrait lui permettre de poursuivre la production de nouvelles séries adaptées aux nouveaux programmes scolaires.

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Mais c’est aussi le cas du site Les Bons Profs qui associe des ressources gratuites très utiles à une offre de soutien scolaire payante en ligne ; ou encore du site Afterclasse développé par LeLivreScolaire.fr dont l’application mobile a été plébiscitée par les élèves l’année dernière.

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Il faut également rendre hommage aux centaines de talents individuels chez les enseignants qui produisent de manière artisanale des milliers de ressources numériques adaptées aux attentes de leurs élèves et dont le travail mériterait d’être recensé et valorisé par l’institution.

L’idéal serait peut-être finalement de prendre un peu le temps de réfléchir aux synergies qui pourraient naître de la rencontre de tous ces acteurs qui possèdent respectivement une partie de la solution pour le projet numérique de demain… 

Non, la classe inversée ne renforce forcément les inégalités scolaires

Dans un article publié le 24 octobre 2015, le professeur Lyonel Kaufmann dont je partage de nombreuses publications et réflexions, diffusait sur son blog une synthèse d’un article de Kris Shaffer sur le travail à la maison. Intitulé « Quand le BYOD et la classe inversée renforcent les inégalités scolaires », l’article s’est rapidement diffusé sur les réseaux sociaux et a suscité de nombreuses réactions sur le mode « AhAh, on vous l’avait bien dit !« .

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Curieux d’en apprendre davantage sur cette nouvelle étude qui prétend balayer en quelques lignes l’une des caractéristiques de la #PEPS, j’ai pris le temps d’aller lire l’article de Kris Shaffer dans sa version originale.


Cette réflexion démarre sur une idée assez simple et largement partagée : tout travail à la maison est potentiellement producteur d’inégalités scolaires.

En effet, le moindre exercice réalisé en dehors de la salle de classe risque de mettre en difficulté une partie des élèves qui n’auront peut-être pas totalement assimilé les bases nécessaires à la réalisation de cette activité, ou bien n’auront même pas accès à un lieu pour travailler au calme. Dès lors, une différenciation peut apparaître entre les élèves encadrés par un parent (ou un professeur particulier rémunéré par les parents) et ceux qui ne bénéficient pas d’un soutien intellectuel et/ou logistique en dehors de l’établissement scolaire. Concrètement, Kris Shaffer rappelle que ces différences dans l’organisation du travail à la maison traduisent souvent une inégalité socio-économique entre les familles des élèves.

Mais l’auteur de cet article explique ensuite que cette création d’inégalité quasiment intrinsèque des systèmes scolaires est aggravée depuis quelques années par :

  • La pratique du BYOD (Bring your own device), c’est-à-dire la possibilité laissée aux élèves d’apporter leur propre matériel,
  • La pratique de la classe inversée (Flipped Classroom ou Inverted classroom).

Si les réflexions proposées par ce collègue sont intéressantes et méritent d’être débattues, les comparaisons triomphalistes rencontrées sur les réseaux sociaux par des professeurs soucieux d’enterrer la classe inversée avant même de lui avoir laissé le temps d’éclore me semblent prématurées.

Il convient en effet de noter que ce collègue enseigne la musique à l’université aux Etats-Unis. Les problématiques rencontrées sont dès lors difficilement transposables au contexte du secondaire en France. Quelques exemples précis dans son propos nous permettent d’ailleurs assez rapidement d’appréhender les limites d’une démarche comparative :

  • Le BYOD est évoqué comme une pratique quasiment naturelle qu’il ne prend d’ailleurs pas vraiment le temps d’expliquer. Son développement est en effet incomparable avec le modèle français où la question de l’équipement des établissements par l’Etat et les collectivités territoriales reste la règle, bien que des expérimentations peuvent être ponctuellement rencontrées.
  • La pratique du BYOD est d’ailleurs possible car les établissements scolaires américains sont généralement équipés d’un Wifi dans un contexte de développement de l’Internet bien différent du nôtre. Comme le rappelle Kris Schaffer, tous ses étudiants n’ont pas un accès similaire à une connexion Internet et certains peuvent rencontrer des difficultés pour regarder les vidéos transmises les soirs où la plateforme Netflix diffuse un nouvel épisode d’une série à succès. Aux Etats-Unis, les fournisseurs d’accès tentent en effet d’imposer progressivement une tarification différenciée en fonction du débit et du volume de données transmises tandis que, pour le moment en France, les abonnements d’Internet fixe sont relativement égalitaires. Concrètement, cela signifie que la plupart des élèves américains ont certes accès à Internet, mais qu’en fonction du forfait choisi par leurs parents, ils ne pourront pas forcément regarder une vidéo haute définition en ligne.

Dès lors, dans ce contexte précis, les inégalités scolaires peuvent en effet être renforcées par les inégalités socio-économiques.


Il convient cependant de préciser au terme de cette présentation que Kris Schaffer n’en a pas pour autant abandonné complètement la pratique de la classe inversée. Il l’a simplement pensé et adapté à son contexte pédagogique et matériel d’enseignement en proposant d’ajouter une nouvelle dimension à la traditionnelle taxonomie de Bloom qui n’avait à l’époque (les années 1950) pas vraiment les moyens d’anticiper une telle évolution.

C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles ce blog utilise assez rarement l’expression de « classe inversée » qui conduit souvent à des raccourcis réducteurs. La pédagogie participative et sociale n’est en effet pas seulement une mise en oeuvre de la classe inversée, mais une réflexion sur le potentiel offert par de nouveaux outils, ressources et pratiques, notamment pour lutter contre les inégalités produites actuellement par notre système scolaire. La pratique de la « classe inversée » n’étant finalement qu’un aspect parmi d’autres dans une démarche visant à discuter :

  • Des considérations matérielles qui doivent nous inviter à défendre un modèle d’équipement publique des établissements scolaires au regard de la situation de nos collègues américains,
  • Du travail à la maison qui reste nécessaire à un certain niveau de formation, mais qui doit être limité et réfléchi afin de ne jamais mettre en difficulté un élève qui n’aurait pas le soutien humain ou le matériel nécessaire,
  • Des ressources qui doivent être adaptées au contexte documentaire dans lequel nos élèves sont immergés,
  • Des outils qui doivent aussi être adaptées au contexte culturel et social dans lequel vivent nos élèves, mais qui peuvent aussi fournir de nouvelles pistes pédagogiques et technologiques pour lutter contre les inégalités scolaires véhiculées par notre système depuis plusieurs décennies.

Par conséquent, la « classe inversée » peut certes renforcer les inégalités scolaires, mais seulement si elle n’est pensée que sous l’angle d’une modernisation technique des pratiques ancestrales qui renforcement les différenciations socio-économiques. A l’inverse, on peut aussi considérer son formidable potentiel pédagogique et considérer que ces nouvelles méthodes, ressources et outils permettront peut-être de répondre enfin à l’un des principaux défis de l’enseignement.