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Pour une évaluation participative et sociale

Source de stress tant pour les élèves que pour les enseignants, les évaluations occupent une place centrale dans le système éducatif français. Encore très majoritairement associées à des notes et des moyennes, ces évaluations sont aujourd’hui utilisées à des fins qui sont parfois très éloignées de leur esprit initial. Selon les circonstances, on les mobilise en effet autant pour mesurer l’acquisition de connaissances, que la maîtrise de compétences, voire pour se prononcer sur une orientation, et parfois même porter un jugement sur la qualité du travail d’un enseignant et l’efficacité d’une réforme de l’éducation.

De l’élève aux parents, en passant par l’enseignant et l’administration, l’évaluation ne laisse en tout cas personne indifférent et mérite donc qu’on y accorde toute notre attention en espérant pouvoir en limiter les effets néfastes (démotivation, sentiment d’injustice, décrochage…), et au contraire en tirer tous les bénéfices en termes d’accompagnement dans les apprentissages.

Plan de l’article

  1. Les problématiques rencontrées
  2. Les pistes de solutions pour gagner du temps
    • Abandonner “les devoirs à la maison” au profit d’activités préparatoires non-discriminantes
    • L’évaluation automatisée
    • Abandonner les évaluations notées en cours de formation au profit de véritables évaluations formatives
    • L’évaluation par les pairs
    • Les outils numériques
  3. Les pistes de solutions pour gagner en efficacité
    • L’auto-évaluation
    • L’évaluation de confiance
    • Pour une évaluation véritablement différenciée
  4. Vers une application de suivi des élèves
    • Cahier des charges
    • Principales fonctionnalités
  5. Conclusion
  6. Orientations bibliographiques

I. Les problématiques rencontrées

Bien que les pratiques en termes d’évaluation ne soient pas homogènes (en fonction des niveaux, des disciplines et des enseignants), quelques problématiques communes reviennent régulièrement dans la littérature sur le sujet :

  1. Comment éviter d’entretenir, voire de renforcer par notre système d’évaluation des inégalités socio-scolaires déjà tellement criantes au sein de l’école ? Le rapport sur l’état de l’école publié chaque année par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) montre à quel point les inégalités sociales et territoriales entre les élèves persistent dans notre système éducatif, à un niveau d’ailleurs bien supérieur aux autres pays de l’OCDE.
  2. Comment mobiliser l’évaluation au service de la lutte contre le décrochage scolaire ? Le cercle vicieux des mauvaises notes est en effet considéré comme l’un des facteurs prépondérants de la baisse de motivation chez les élèves potentiellement décrocheurs qui, à force de s’entendre répéter qu’ils n’ont pas les bases leur permettant de progresser, finissent par abandonner.
  3. Comment parvenir à se détacher d’une évaluation trop souvent calquée sur le modèle des examens alors que les instructions officielles nous invitent à évaluer en cours de formation bien d’autres compétences que celles mobilisées lors de ces épreuves certificatives ?
  4. Comment fournir des appréciations plus denses et plus objectives (sur les copies, sur les bulletins, sur le livret scolaire) qui ne soient pas vécues par les élèves comme une sanction, ni comme un jugement, mais comme un outil au service des apprentissages et de la progression des élèves ?
  5. Comment réduire le temps de travail fastidieux consacré à l’évaluation/notation des élèves au profit d’activités permettant la mise en oeuvre d’un véritable accompagnement dans le processus d’apprentissage ? Combien d’enseignants, après avoir vu les élèves ranger leur copie au fond du sac en jetant un simple coup d’oeil à la note, ont en effet été tentés de raccourcir leur temps de correction en s’épargnant la rédaction des commentaires dans la marge ? Combien d’élèves ont ainsi raté de précieuses occasions de progresser ? Cette situation est d’autant plus désespérante que le temps de correction des copies représente en moyenne 14% du temps de travail des enseignants et peut même atteindre 15,7% du temps de travail pour les professeurs des disciplines littéraires et les sciences sociales.

II. Les pistes de solutions pour gagner du temps

Abandonner les “devoirs à la maison” au profit d’activités préparatoires non-discriminantes

Il s’agit d’un des dispositifs fondamentaux de ce qu’il convient désormais d’appeler la “classe inversée”.

Les études les plus récentes sur le travail personnel montrent en effet que les devoirs à la maison sont généralement peu rentables et renforcent les inégalités sociales entre les élèves dont les parents (ou un substitut rémunéré) peuvent assurer un suivi et les élèves qui se retrouvent seuls le soir face à leur cahier et leurs difficultés. Le travail à la maison est par ailleurs souvent mal vécu par les élèves et leurs parents car il est souvent source d’angoisse, voire de conflits au sein de la sphère familiale qui aura tendance à en faire porter la responsabilité sur l’école.

Cela ne signifie pas cependant qu’il faille abandonner toute forme de travail personnel, mais uniquement celui qui pourrait mettre en difficulté l’élève lorsque le professeur n’est pas à ses côtés pour l’accompagner. Cela revient concrètement à abandonner les exercices d’application des compétences qui composent très majoritairement les “DM” évalués.

A l’inverse, on peut judicieusement remplacer ces devoirs à la maison par des “activités préparatoires” de bas niveau cognitif qui ont le mérite de responsabiliser les élèves dans la construction et l’avancement du cours, tout en libérant du temps de transmission des connaissances en classe au profit d’activités cognitivement plus exigeantes et souvent bien plus intéressantes pour les élèves.

Concrètement, je demande par exemple à mes élèves de Seconde de regarder une courte vidéo sur les Grandes Découvertes en complétant un questionnaire qui me permet de les accompagner dans l’acquisition des connaissances essentielles du cours. Après m’être assuré de la maîtrise de ces éléments en début de séance et avoir répondu à d’éventuelles questions, il nous est alors possible d’envisager ensemble une tâche complexe (de préférence différenciée) centrée autour d’un aspect plus précis des connaissances et/ou de compétences particulières.

Si les activités préparatoires ne sont pas systématiquement notées, la plupart des élèves le demandent car ils les réalisent généralement avec beaucoup de sérieux et comprennent rapidement l’intérêt d’une telle démarche.

L’évaluation automatisée

Lorsqu’il est mis au service de la pédagogie, le numérique constitue un moyen extraordinaire pour gagner du temps de correction, notamment dans le cadre de l’évaluation de l’acquisition des connaissances. Les dizaines de milliers d’enseignants qui utilisent désormais quotidiennement Google Formulaire ne s’y sont pas trompés. Que ce soit pour l’évaluation des “activités préparatoires” ou pour le contrôle des connaissances en fin de séquence, l’utilisation d’un questionnaire en ligne permet d’économiser des centaines d’heures de correction et des kilos de papier.

Précisons en préalable aux esprits les plus réfractaires qu’il ne s’agit en aucun cas de remplacer toutes les évaluations par des questionnaires à choix multiples (QCM). A l’inverse, il serait absurde de s’en passer lorsque cela peut permettre de gagner à la fois en temps et en efficacité.

Encore faut-il néanmoins avoir réfléchi au préalable à cet outil pour en cerner les potentialités et les limites pédagogiques. Par exemple, l’utilisation d’un QCM permet d’aller beaucoup plus loin qu’une simple récitation pour vérifier la maîtrise d’une notion car il permet, en modifiant la formulation, de distinguer l’élève qui a appris par coeur une définition sans la comprendre de l’élève qui a véritablement compris la notion et est en mesure de la réinvestir dans d’autres contextes. Le QCM possède néanmoins des limites intrinsèques telles que la place du hasard (dont la signification statistique devient néanmoins de plus en plus négligeable quand le nombre des questions augmente).

Le tutoriel ci-joint permet de découvrir les principales fonctionnalités de Google Formulaire et du module complémentaire Flubaroo permettant d’obtenir un tableau statistique des résultats de l’évaluation :

Abandonner les évaluations notées en cours de formation au profit de véritables évaluations formatives

La plupart des enseignants ont appris à distinguer l’évaluation sommative de l’évaluation formative. Si la première est généralement placée en fin de séquence afin d’établir un bilan de la somme des acquis à l’issue d’une phase d’apprentissage, la seconde s’inscrit dans le processus de formation, à un moment où l’élève peut mobiliser différentes ressources, travailler en équipe, prendre davantage de temps, etc.

Cependant, puisqu’elles portent le nom d’ “évaluations”, ces activités font très souvent l’objet d’une notation par les enseignants qui l’utilisent d’ailleurs parfois comme un moyen de s’assurer que l’exercice est réalisé avec suffisamment de sérieux par les élèves. Ces derniers l’acceptent d’autant plus volontiers qu’ils considèrent ces exercices comme une forme de rattrapage d’éventuelles mauvaises notes en évaluation sommatives (qu’ils appellent généralement les “contrôles”).

Sauf qu’en utilisant l’évaluation formative dans cette perspective, on minimise fortement son objectif initial, à savoir celui d’accompagner le processus d’apprentissage en apportant aux élèves un retour d’informations sur leur production favorisant la confiance et la motivation nécessaires au dépassement de leurs erreurs.

Même si l’enseignant explicite systématiquement la différence entre une évaluation sommative et une évaluation formative, même s’il applique des coefficients différents à ces activités respectives, il n’en demeure pas moins qu’aux yeux des élèves et de leurs parents, l’évaluation reste une évaluation tant qu’elle est notée ! Par conséquent, elle demeure stratégiquement une évaluation susceptible d’augmenter une moyenne qui, à la fin du trimestre, sera de toute façon l’élément principal pris en compte lors du conseil de classe.

C’est pourquoi il me semble judicieux de réfléchir à l’utilisation des évaluations formatives pour se libérer progressivement des notes. S’il n’est en effet pas encore possible de s’affranchir administrativement des notes (dont la docimologie a pourtant montré depuis longtemps les limites), une désintoxication en douceur est envisageable afin de ne pas trop brusquer les élèves et leurs parents qui sont souvent les plus attachés à cette échelle. Comme le précise Alain DIGER, doyen des inspecteurs pédagogiques de l’académie d’Orléans-Tours et instigateur d’une expérimentation en cours sur l’évaluation, l’objectif n’est pas “de faire disparaître la note pour le plaisir de la faire disparaître, mais d’en promouvoir un usage raisonné pour renforcer la qualité des apprentissages”. La note sert en effet aujourd’hui “davantage aux élèves à se situer les uns par rapport aux autres qu’à identifier les points sur lesquels ils doivent concentrer leurs efforts pour progresser. Par ailleurs, la note, en exacerbant la compétition au sein de la classe, véhicule son lot de vainqueurs mais aussi de vaincus. Elle amplifie les inégalités scolaires et renforce le déterminisme social, des effets délétères dont le système éducatif français souffre exagérément” [TESTARD-VAILLANT, 2016].

Pour ce faire, il convient cependant de se doter de nouveaux outils permettant à l’élève de profiter au maximum de ces exercices afin d’engranger des conseils lui permettant de progresser et ainsi retrouver le sens originel d’évaluations résolument formatives.

L’évaluation par les pairs

Ce type d’évaluation connaît un renouveau depuis quelques années dans la dynamique des MOOC (massive open online course) qui rassemblent parfois plusieurs milliers de participants. Dans ces conditions, impossible d’envisager une correction traditionnelle des copies. Ce qui fonctionne (plus ou moins bien) dans le cadre de formations en ligne pour adultes n’est cependant pas directement transposable dans le cadre d’une salle de classe de l’enseignement primaire et secondaire.

Dans l’idéal, les concepteurs de MOOC demandent à leurs participants de corriger entre deux et cinq copies afin de favoriser la multi-correction et objectiver l’évaluation. Un tel système est néanmoins difficilement envisageable si les copies ne sont pas dématérialisées. De même, le contexte de la salle de classe n’est pas forcément favorable à ce genre de pratique. Les relations interpersonnelles risquent en effet de biaiser les corrections des élèves. Une procédure d’anonymisation des copies et des correcteurs serait donc bienvenue, ce qui demande encore une fois une organisation assez lourde.

Par conséquent, si l’évaluation par les pairs peut permettre de gagner beaucoup de temps à l’enseignant et constituer un exercice formateur pour les élèves, elle nécessite une procédure précise qui ne peut pas être improvisée. Des idées intéressantes peuvent notamment être empruntées chez les praticiens de la Twictée où l’évaluation ne donne pas nécessairement lieu à une note, mais pour laquelle les élèves-correcteurs sont chargés d’identifier des types d’erreur, puis de proposer des “Twoutils” permettant de corriger la production initiale. Ainsi, l’élève-producteurs et l’élèves-correcteur ne sont plus seulement dans un rapport d’évaluation, mais bien dans une démarche collaborative d’apprentissage.

Les outils numériques

Si les outils numériques permettent de gagner beaucoup de temps dans le cadre d’évaluations automatisées (cf. développement ci-dessus), ils peuvent également s’avérer tout aussi efficaces dans le cadre d’évaluations nécessitant des réponses complexes et rédigées par les élèves, mais aussi des appréciations tout aussi développées de la part du correcteur.

Depuis quelques années, avec notamment le développement d’assistants personnels intelligents tels que Siri ou Cortana, les solutions de reconnaissance vocale se sont largement démocratisées. Google Doc propose par exemple un outil gratuit appelé “Saisie vocale” tout à fait convaincant. Si vous souhaitez néanmoins utiliser un outil encore plus performant, il est possible d’investir quelques dizaines d’euros dans la gamme Dragon Naturally Speaking de Nuance qui permet de personnaliser l’outil à votre voix ainsi qu’à votre style d’écriture et donc améliorer ses performances au fur et à mesure des utilisations.

Grâce à ce logiciel, terminé les commentaires gribouillés dans la marge ! Il suffit désormais de lire la copie et de la commenter oralement en vous contentant d’ajouter progressivement des numéros en face des éléments corrigés.

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Après deux années de pratique, cette technique m’a non seulement permis de diminuer sensiblement le temps de correction des travaux d’écriture, mais je me suis également rendu compte que j’étais beaucoup plus précis et disert dans mes commentaires, formulant ainsi plus facilement des conseils et des propositions de reformulation à mes élèves.

Une fois la correction terminée, selon l’équipement de vos élèves, vous pouvez :

  • Envoyer la fiche d’évaluation aux élèves par mail,
  • Imprimer la fiche d’évaluation et la glisser dans la copie.

Dans le cas de copies rédigées directement sur un logiciel de traitement de texte (qu’il s’agisse de Google Doc, Word ou bien OpenOffice Writer selon l’équipement personnel des élèves ou des salles informatiques de l’établissement), il est également possible d’aller encore plus loin car tous ces outils sont désormais dotés de solutions de commentaires intégrés. Il n’est donc plus nécessaire de distinguer la copie de la fiche d’évaluation et vous pouvez directement dicter vos commentaires qui apparaîtront sous la forme de capsules en marge de la production des élèves. Par ailleurs, dans le cadre d’une évaluation formative, les élèves peuvent répondre à vos commentaires afin d’améliorer progressivement leur travail :

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III. Les pistes de solutions pour gagner en efficacité

Si les dispositifs précédents visaient avant tout à gagner du temps dans l’activité fastidieuse de correction, ils ne sont pas dénués d’ambition pédagogique. Que ce soit pour l’évaluation automatisée, l’abandon de la notation pour les évaluations formatives, l’utilisation d’un outil de reconnaissance vocale… l’objectif principal reste de mettre l’évaluation au service des apprentissages.

En effet, comme le rappelle Renald LEGENDRE dans son Dictionnaire actuel de l’éducation : “Évaluer, c’est comprendre, éclairer l’action de façon à pouvoir décider avec justesse de la suite des évènement. Il s’agit donc bien d’une action qui ne se limite pas à contrôler la maîtrise de connaissances et compétences à un moment donné, mais bien d’une activité essentielle inscrite dans un processus d’apprentissage permettant non seulement de valider une étape, mais aussi toujours de préparer la prochaine.

C’est dans cette perspective que les solutions suivantes ont été pensées.

L’auto-évaluation

L’auto-évaluation peut être entendue dans plusieurs sens.

Le premier qui vient à l’esprit est souvent celui qui consiste à demander à l’élève lui-même d’évaluer sa production avant que l’enseignant ne le fasse. L’intérêt pédagogique d’une telle pratique consiste à inviter l’élève à porter un regard critique sur son travail en espérant lui faire prendre conscience des éventuelles limites de sa préparation. Si cela fonctionne parfois, il n’est cependant pas rare d’être confronté à des remarques déconcertantes d’élèves sur lesquelles l’enseignant aura bien du mal à rebondir : “Je n’ai pas assez travaillé”, “Je n’avais pas compris cette partie du cours” ou encore “J’avais fait l’impasse sur cette question”. Que répondre alors d’autre sinon : “Il faudra davantage travailler la prochaine fois”

La seconde acception de l’auto-évaluation consiste à anticiper cette difficulté en demandant à l’élève de préparer lui-même son évaluation en proposant des questions et des exercices en amont. L’objectif consiste alors à le faire réfléchir sur les connaissances et les compétences attendues à l’issue d’une séquence. Cette pratique a non seulement le mérite de responsabiliser l’élève dans une démarche de co-construction des apprentissages, mais elle permet aussi de dédramatiser l’évaluation encore trop souvent vécue par certains élèves comme un piège qui serait tendu par des professeurs animés d’une constante et macabre volonté d’utiliser leur stylo rouge.

Encore faut-il trouver ensuite le bon dosage entre l’évaluation complètement préparée en amont qui risquerait ensuite de se transformer en épreuve de récitation en classe d’un devoir préparé à la maison et l’auto-évaluation qui permet de rappeler les connaissances et compétences susceptibles d’être évaluées tout en conservant une part de surprise dans le sujet donné. Tout dépend alors du niveau de classe, du degré d’autonomie et de l’avancement dans la formation des élèves.

L’évaluation de confiance

Beaucoup trop d’élèves vivent mal les évaluations et accumulent les échecs car ils ne comprennent pas leurs notes. Ceci est d’autant plus vrai dans les évaluations des tâches complexes pour lesquelles les élèves sont parfois incapables d’expliquer pourquoi ils ont obtenu 12/20 quand leur voisin n’a eu que 7/20. Comment dans ces conditions espérer les faire progresser ?

Force est de constater d’ailleurs qu’il est parfois difficile à un enseignant lui-même de justifier avec précision qu’il ait mis un point plutôt que deux à une question notée sur 3. L’expérience de l’examinateur probablement… Sauf que c’est justement cet élément implicite qui manque à l’élève pour savoir comment passer la prochaine fois de 1 à 2, voire ensuite de 2 à 3. D’où le sentiment d’injustice dramatique qui conduit au découragement des élèves : “De toute façon, avec lui, je n’aurai jamais la moyenne !”

Expliciter ses critères d’évaluation, c’est aussi un acte de formation ! C’est une tâche certes exigeante et chronophage, mais indispensable. Cela implique d’être en mesure pour un enseignant de s’interroger sur les moyens à acquérir pour répondre à un exercice et donc par conséquent d’être en mesure de les expliciter aux apprenants et d’en faire des objectifs d’apprentissage précis. Qu’il s’agisse de dispositifs par niveaux ou par ceintures, ces outils se multiplient actuellement dans les salles de classe mais entraînent des difficultés matérielles pour en assurer le suivi.

Pour une évaluation véritablement différenciée

Dans un système éducatif parfait, l’élève pourrait avancer à son rythme et n’être évalué que lorsqu’il est prêt. Si de telles expérimentations existent à l’école primaire où la gestion du temps de classe et des élèves est plus souple, dans la réalité de la plupart des classes du secondaire, il faut avancer le programme et bien souvent enchaîner les chapitres et notions à un rythme effréné.

A défaut de pouvoir revenir sur les connaissances d’un chapitre à l’issue d’une évaluation de connaissances, il devrait pourtant être envisageable d’étirer davantage le temps d’apprentissage des compétences que l’on sait indispensables pour la construction des savoirs à venir. Ainsi, on pourrait probablement éviter d’accumuler les lacunes années après années dans un système actuellement découpé en niveaux de classe où l’élève n’est pas obligé de maîtriser toutes les compétences exigées pour passer à la classe supérieure, mais où les enseignements ultérieurs reposeront bien quant à eux sur des bases supposées acquises.

Encore une fois, pour ce faire, il convient de se doter d’un véritable outil qui permette à l’élève de ne pas refermer sa copie en essayant de se persuader que le prochain devoir sera un nouveau départ, mais qui lui permette plutôt de se fixer des objectifs précis à travailler jusqu’à la prochaine évaluation dans un esprit de progression permanent.

Telles sont les ambitions de l’application de suivi des élèves…


IV. Vers une application de suivi des élèves

Afin de mettre en oeuvre les dispositifs d’évaluation évoqués précédemment, de nouveaux outils sont nécessaires. La généralisation des évaluations par compétences à l’école primaire et au collège a été accompagnée de la multiplication des applications permettant d’en suivre l’avancement. Les espaces numériques de travail (ENT) proposent quasiment tous leur solution et des logiciels complémentaires tels que SACoche sont désormais largement diffusés. Et pourtant, aucun de ces outils n’est parvenu à me convaincre après plusieurs mois de recherche, d’essais, et de bricolage.

D’où cette proposition mise à la disposition des collègues qui voudront s’en emparer, dans l’attente d’un éditeur susceptible d’en proposer une version encore plus fonctionnelle, ergonomique et adaptable. Les principales fonctionnalités de cet outil sont en effet pensées pour une utilisation dans le cadre d’un enseignement d’histoire-géographie en lycée, mais elles peuvent aisément être adaptés à d’autres cycles et disciplines.

Cahier des charges

Au fur et à mesure des essais sur les différents outils existants, j’ai construit une liste des fonctionnalités qui me semblent indispensables à la mise en oeuvre d’un système d’évaluation positive et participative.

  • Simple, ergonomique et accessible
    • L’outil doit être utilisable à la fois par l’enseignant, ses élèves, mais aussi les parents ;
    • Il doit permettre une identification simple et rapide (à partir d’une simple adresse mail, mais aussi des réseaux sociaux) ;
    • Il doit pouvoir être consulté et modifié autant sur PC, que sur tablette et smartphone ;
    • Il doit donner la possibilité aux utilisateurs de recevoir une notification (ou bien un mail) à chaque modification de son tableau de bord ;
    • Il doit être gratuit.
  • Ludique, interactif et collaboratif
    • Il doit permettre à l’élève et à ses parents d’identifier rapidement et facilement les points forts et les axes de travail d’un élève à l’aide de tableaux, graphiques et couleurs ;
    • Il a pour ambition de devenir un outil central dans la communication entre l’enseignant, l’élève et ses parents. Par conséquent, bien que l’enseignant soit le seul à bénéficier de droits d’écriture, les élèves et les parents doivent pouvoir ajouter facilement des commentaires ;
    • Il est notamment utilisé pour mieux différencier les apprentissages et ainsi aider l’élève et l’enseignant à adapter les évaluations en fonction du parcours de chacun ;
    • Par ailleurs, il doit pouvoir être utilisé par l’enseignant comme un véritable outil de diagnostic le plus objectif possible lui permettant de préparer les bulletins et conseils de classe.
  • Évolutif
    • Il doit être en mesure de s’adapter au parcours d’apprentissage individuel de chaque élève ;
    • Il a d’ailleurs pour ambition d’aider les élèves et leurs parents à prendre conscience de la progression des compétences et résultats au fur et à mesure de l’année afin de lutter contre le sentiment de dévalorisation qui précède le décrochage scolaire ;
    • Il est également possible de conserver cet outil sur plusieurs années pour permettre de suivre l’évolution des compétences d’un élève non seulement sur une année, mais aussi à l’intérieur d’un cycle ;
    • Enfin, il a pour ambition d’être suffisamment malléable pour être adapté par d’autres collègues, dans d’autres disciplines et avec d’autres compétences, en modifiant simplement et rapidement quelques paramètres.

Présentation des principales fonctionnalités de la version bêta

Dans l’attente d’une application plus professionnelle, cette première version du tableau de suivi des élèves a été construite à l’aide du logiciel gratuit et en ligne Google Sheet.

Chaque élève possède son fichier anonymisé auquel il peut accéder depuis le blog de classe.

Seul l’enseignant possède des droits d’écriture sur le fichier, mais l’élève et ses parents ont la possibilité d’y collaborer en ajoutant des commentaires directement sur le fichier (l’enseignant reçoit alors un courriel automatique l’informant d’une modification apportée au fichier).

Ce fichier est composé de plusieurs onglets :

  • La feuille de synthèse constitue la page principale. Elle se présente sous la forme d’un tableau de bord de l’élève qui permet d’identifier rapidement (à l’aide de graphiques et tableaux) les points forts et les axes de travail de l’élève. Toutes les informations sont automatiquement mises à jour à partir des informations recueillies sur les autres feuilles au fil des évaluations. 

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On y trouve notamment :

    • Un graphique de suivi des activités préparatoires ;
    • Un graphique de suivi des évaluations de connaissances ;
    • Un graphique de suivi des compétences liées aux exercices type-bac (composition et étude critique de documents dans le cadre de cette fiche de suivi créée pour l’histoire-géographie en niveau lycée) ;
    • Un graphique de suivi des autres compétences travaillées en classe ;
    • Un graphique représentant le nombre d’activités de remédiation et de valorisation réalisées (avec un objectif ciblé de 10 activité par trimestre).
    • Un tableau de synthèse des appréciations trimestrielles. Quelques jours avant le conseil de classe, chaque élève est en effet invité à compléter ce tableau en analysant lui-même ses résultats. Une discussion peut alors s’engager avec l’enseignant afin de proposer une appréciation co-construite et ainsi mieux comprise et acceptée par l’élève.

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  • La feuille de suivi des évaluations des activités préparatoires permet d’identifier rapidement les résultats chiffrés et automatisés des activités préparatoires réalisées en autonomie. S’agissant d’activités notées, la note de l’élève est systématiquement associée à la moyenne du groupe. Une colonne “remarques” permet de commenter ponctuellement ces résultats afin de féliciter l’élève ou lui conseiller des activités de remédiation.

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  • La feuille de suivi des évaluations de connaissances fonctionne exactement sur le même principe que la feuille précédente.

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  • La feuille de suivi en cours de formation permet de mettre en oeuvre les principes de l’évaluation formative développés précédemment dans cet article. Il s’agit d’assurer un suivi des exercices et activités réalisées en cours de formation par l’élève afin d’atteindre ses objectifs individuels fixés entre chaque évaluation sommative. Nous conservons ainsi une trace du parcours d’apprentissage de chaque élève afin de l’accompagner au mieux dans sa progression. Il existe deux possibilités pour compléter ce fichier :
      • Directement par l’enseignant, en classe, qui peut ajouter des remarques au quotidien lorsqu’un élève réalise un exposé, s’investit particulièrement dans une activité ou à l’inverse se fait remarquer pour des bavardages, oublie son matériel…
      • Sur proposition de l’élève qui demande un exercice facultatif pour s’entraîner ou bien réalise une activité complémentaire (quiz de révision, fiche de synthèse sur une notion, plan détaillé de composition…) à mutualiser avec les autres élèves.

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  • Les feuilles de suivi des évaluations par compétences sont les éléments qui nécessitent le plus d’adaptation d’une discipline à l’autre, voire d’un enseignant à l’autre. L’exemple disponible sur ce fichier bêta concerne la composition et l’étude critique de documents en histoire-géographie. Elles s’organisent de la façon suivante: 
      • A chaque fois qu’un élève réalise une composition en situation d’évaluation sommative, sa production est corrigée à partir d’une grille de compétences qui lui permet de se situer sur une échelle à 3 niveaux (aussi appelées ceintures). Ainsi, il lui est possible de progresser étape par étape en fonction de son niveau de départ, en connaissance des critères d’évaluation, et en visualisant directement ce qui est attendu de lui pour atteindre le niveau suivant.
      • Pour valider un niveau, le professeur ajoute simplement le chiffre “1” et la case correspondante se colore automatiquement en vert. Lorsque le niveau n’est pas atteint, il lui suffit d’ajouter le chiffre “0” et la case se colore alors en rouge. La colonne “remarques et conseils” lui permet de commenter la copie au fur et à mesure de la lecture (notamment à l’aide d’un logiciel d’assistance vocale pour gagner encore plus de temps).
      • A l’issue de la correction, l’enseignant est invité à remplir un tableau de synthèse pour guider la rédaction de son appréciation générale (points forts, limites, objectifs pour la prochaine évaluation…).
      • Il peut alors soit imprimer ce document (format A4) afin de le glisser dans la copie de l’élève, soit l’envoyer directement par mail à l’élève.
      • Il convient également de noter l’existence d’un quatrième niveau de compétence qui n’est pas défini à l’avance par l’enseignant mais qui peut permettre à des élèves de dépasser les attentes d’un niveau de Terminale et ainsi les inviter à faire preuve d’autonomie en leur laissant un espace de liberté pour approfondir leurs activités.
      • Enfin, une feuille de suivi des compétences par exercice permet de suivre l’évolution évaluation après évaluation et d’illustrer visuellement la progression de l’élève au fil des entraînements.

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Cet outil a ensuite pour ambition d’être appliqué de la même façon pour d’autres exercices en fonction des disciplines et des niveaux de classe. Par ailleurs, une autre feuille permettra à l’élève de solliciter une validation d’autres compétences mentionnées dans les instructions officielles (pratique de l’oral, utiliser les TIC, mener à bien une recherche, etc…).


Conclusion

L’outil proposé est actuellement en phase de test. Un bilan de l’expérimentation sera réalisé d’ici quelques mois à partir de témoignages d’élèves et de parents afin d’en proposer une version plus élaborée. L’idéal serait cependant de pouvoir élargir l’expérimentation en proposant d’autres modèles de feuilles de suivi de compétences adaptées à un maximum de disciplines, de niveaux et d’exercices. N’hésitez pas à proposer et mutualiser les vôtres en me contactant via les réseaux sociaux ou bien en utilisant le formulaire de contact de ce blog.


Orientations bibliographiques

  • Laurent FILLION, “Évaluer par paliers : pourquoi ? Comment ?”, sur le blog Peut mieux faire, 6 juillet 2016 [consulté le 03 août 2016].
  • Stéphanie FIZAILNE, “Classe inversée : Évaluer pour mieux apprendre, in Le Café Pédagogique, 07 juillet 2015 [consulté le 03 août 2016].
  • François JARRAUD, “Clic 2016, Quand la classe inversée réinvente l’évaluation”, in Le Café Pédagogique, 07 juillet 2016 [consulté le 03 août 2016].
  • Lucie MOTTIER-LOPEZ, Évaluations formatives et certificative des apprentissages, Enjeux pour l’enseignement, Editions de Boeck, 2013.
  • Jean-Pierre NOSSENT, « Évaluation ou contrôle, repères pour l’éducation permanent », in Analyse de l’IHOES n° 63, 15 mars 2010 [consulté le 03 août 2016].
  • Georgette NUNZIATI, “Pour construire un dispositif d’évaluation formatrice”, in Cahiers Pédagogiques, n° 280, janvier 1990 [consulté le 03 août 2016].
  • Laurent LESCOUARCH, « Quelle évaluation pour quelle pédagogie ? », sur le blog Psychologie, éducation & enseignement spécialisé, septembre 2007, [consulté le 03 août 2016].
  • Olivier REY et Annie FEYFANT, “Evaluer pour (mieux) faire apprendre”, in Dossier de veille de l’IFE, n° 94, Septembre 2014 [consulté le 03 août 2016].
  • Philippe TESTARD-VAILLANT, “”Comment mieux évaluer le travail des élèves ?”, in CNRS, Le Journal, 18 mai 2016 [consulté le 03 août 2016].
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Les ressources pour une classe inversée dans les autres disciplines…

Etant moi-même professeur d’histoire-géographie, je me suis concentré sur le recensement des ressources disponibles dans cette discipline. Le site est cependant à la disposition des collègues qui souhaiteraient constituer un outil similaire dans leurs disciplines respectives.

N’hésitez pas à me contacter en utilisant les réseaux sociaux mentionnés à droite de cet écran ou dans la rubrique « contact » du blog.

La PEPS au 1er congrès francophone sur la « classe inversée »

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Je serai présent au 1er congrès francophone sur la « classe inversée » organisée par l’association Inversons la Classe! à Paris du 1er au 3 juillet 2016 et j’animerai notamment deux ateliers :

  1. Un atelier visant à présenter une séquence en situation de classe inversée en Histoire-Géographie (le vendredi 1er juillet de 11h55 à 12h50). 
  2. Un atelier visant à présenter l’utilisation de Google Drive en situation de classe inversée (le dimanche 3 juillet de 14h30 à 15h15). 

Les participants à cet atelier peuvent retrouver mes supports de communication ci-dessous :

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Support de présentation d’un exemple de séquence inversée en HG

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Support de présentation de l’atelier sur l’utilisation de Google Drive en situation de classe inversée

Tutoriel sur l’utilisation de Google Drive en situation de classe inversée

Retrouvez également tous les tutoriels des outils présentés lors du congrès sur la chaîne You Tube de l’association Inversons la classe!

Forum des enseignants innovants 2015

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La pédagogie participative et sociale a eu l’honneur d’être sélectionnée parmi les lauréats du 8ème forum des enseignants innovants et de l’innovation éducative qui se tient à Paris les 4 et 5 décembre 2015.

Cet événement organisé par Le Café Pédagogique en partenariat avec l’Education nationale, la région Île-de-France, Microsoft, Canopé et le journal Libération rassemble une centaine d’enseignants qui s’illustrent par leur capacité d’innovation et d’initiative au service de la réussite des élèves.

A cette occasion, les utilisateurs et les accompagnateurs de la #PEPS se sont mobilisés pour la création de ce poster qui sera présenté aux membres du jury :

LOL

Et je tiens tout particulièrement à remercier tous ceux qui ont accepté de témoigner dans le cadre de ce forum :

Non, la classe inversée ne renforce forcément les inégalités scolaires

Dans un article publié le 24 octobre 2015, le professeur Lyonel Kaufmann dont je partage de nombreuses publications et réflexions, diffusait sur son blog une synthèse d’un article de Kris Shaffer sur le travail à la maison. Intitulé « Quand le BYOD et la classe inversée renforcent les inégalités scolaires », l’article s’est rapidement diffusé sur les réseaux sociaux et a suscité de nombreuses réactions sur le mode « AhAh, on vous l’avait bien dit !« .

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Curieux d’en apprendre davantage sur cette nouvelle étude qui prétend balayer en quelques lignes l’une des caractéristiques de la #PEPS, j’ai pris le temps d’aller lire l’article de Kris Shaffer dans sa version originale.


Cette réflexion démarre sur une idée assez simple et largement partagée : tout travail à la maison est potentiellement producteur d’inégalités scolaires.

En effet, le moindre exercice réalisé en dehors de la salle de classe risque de mettre en difficulté une partie des élèves qui n’auront peut-être pas totalement assimilé les bases nécessaires à la réalisation de cette activité, ou bien n’auront même pas accès à un lieu pour travailler au calme. Dès lors, une différenciation peut apparaître entre les élèves encadrés par un parent (ou un professeur particulier rémunéré par les parents) et ceux qui ne bénéficient pas d’un soutien intellectuel et/ou logistique en dehors de l’établissement scolaire. Concrètement, Kris Shaffer rappelle que ces différences dans l’organisation du travail à la maison traduisent souvent une inégalité socio-économique entre les familles des élèves.

Mais l’auteur de cet article explique ensuite que cette création d’inégalité quasiment intrinsèque des systèmes scolaires est aggravée depuis quelques années par :

  • La pratique du BYOD (Bring your own device), c’est-à-dire la possibilité laissée aux élèves d’apporter leur propre matériel,
  • La pratique de la classe inversée (Flipped Classroom ou Inverted classroom).

Si les réflexions proposées par ce collègue sont intéressantes et méritent d’être débattues, les comparaisons triomphalistes rencontrées sur les réseaux sociaux par des professeurs soucieux d’enterrer la classe inversée avant même de lui avoir laissé le temps d’éclore me semblent prématurées.

Il convient en effet de noter que ce collègue enseigne la musique à l’université aux Etats-Unis. Les problématiques rencontrées sont dès lors difficilement transposables au contexte du secondaire en France. Quelques exemples précis dans son propos nous permettent d’ailleurs assez rapidement d’appréhender les limites d’une démarche comparative :

  • Le BYOD est évoqué comme une pratique quasiment naturelle qu’il ne prend d’ailleurs pas vraiment le temps d’expliquer. Son développement est en effet incomparable avec le modèle français où la question de l’équipement des établissements par l’Etat et les collectivités territoriales reste la règle, bien que des expérimentations peuvent être ponctuellement rencontrées.
  • La pratique du BYOD est d’ailleurs possible car les établissements scolaires américains sont généralement équipés d’un Wifi dans un contexte de développement de l’Internet bien différent du nôtre. Comme le rappelle Kris Schaffer, tous ses étudiants n’ont pas un accès similaire à une connexion Internet et certains peuvent rencontrer des difficultés pour regarder les vidéos transmises les soirs où la plateforme Netflix diffuse un nouvel épisode d’une série à succès. Aux Etats-Unis, les fournisseurs d’accès tentent en effet d’imposer progressivement une tarification différenciée en fonction du débit et du volume de données transmises tandis que, pour le moment en France, les abonnements d’Internet fixe sont relativement égalitaires. Concrètement, cela signifie que la plupart des élèves américains ont certes accès à Internet, mais qu’en fonction du forfait choisi par leurs parents, ils ne pourront pas forcément regarder une vidéo haute définition en ligne.

Dès lors, dans ce contexte précis, les inégalités scolaires peuvent en effet être renforcées par les inégalités socio-économiques.


Il convient cependant de préciser au terme de cette présentation que Kris Schaffer n’en a pas pour autant abandonné complètement la pratique de la classe inversée. Il l’a simplement pensé et adapté à son contexte pédagogique et matériel d’enseignement en proposant d’ajouter une nouvelle dimension à la traditionnelle taxonomie de Bloom qui n’avait à l’époque (les années 1950) pas vraiment les moyens d’anticiper une telle évolution.

C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles ce blog utilise assez rarement l’expression de « classe inversée » qui conduit souvent à des raccourcis réducteurs. La pédagogie participative et sociale n’est en effet pas seulement une mise en oeuvre de la classe inversée, mais une réflexion sur le potentiel offert par de nouveaux outils, ressources et pratiques, notamment pour lutter contre les inégalités produites actuellement par notre système scolaire. La pratique de la « classe inversée » n’étant finalement qu’un aspect parmi d’autres dans une démarche visant à discuter :

  • Des considérations matérielles qui doivent nous inviter à défendre un modèle d’équipement publique des établissements scolaires au regard de la situation de nos collègues américains,
  • Du travail à la maison qui reste nécessaire à un certain niveau de formation, mais qui doit être limité et réfléchi afin de ne jamais mettre en difficulté un élève qui n’aurait pas le soutien humain ou le matériel nécessaire,
  • Des ressources qui doivent être adaptées au contexte documentaire dans lequel nos élèves sont immergés,
  • Des outils qui doivent aussi être adaptées au contexte culturel et social dans lequel vivent nos élèves, mais qui peuvent aussi fournir de nouvelles pistes pédagogiques et technologiques pour lutter contre les inégalités scolaires véhiculées par notre système depuis plusieurs décennies.

Par conséquent, la « classe inversée » peut certes renforcer les inégalités scolaires, mais seulement si elle n’est pensée que sous l’angle d’une modernisation technique des pratiques ancestrales qui renforcement les différenciations socio-économiques. A l’inverse, on peut aussi considérer son formidable potentiel pédagogique et considérer que ces nouvelles méthodes, ressources et outils permettront peut-être de répondre enfin à l’un des principaux défis de l’enseignement.

Organiser une activité en autonomie avec un outil de gestion des parcours pédagogiques

Qu’est-ce qu’un outil de gestion des parcours pédagogiques ?

Les outils de gestion des parcours pédagogiques se sont démocratisés en parallèle des formations à distance en ligne. L’objectif consiste à suivre la progression des élèves grâce à un outil de suivi informatisé. Ces outils sont la plupart du temps évoqués sous leur appellation anglo-saxonne de « Learning Management System« .

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Quelle est leur utilité dans le cadre de la pédagogie participative et sociale ?

Je ne pense pas que ces outils pensés au départ pour l’enseignement en ligne aient vocation à être généralisés dans le cadre de l’enseignement en présentiel. Néanmoins, ils présentent certaines caractéristiques intéressantes qui peuvent être utilisées et adaptées aux pratiques traditionnelles et quotidiennes :

  • Pour pallier une absence prévue du professeur (formation, accompagnement d’un voyage scolaire…),
  • Pour accompagner un devoir à la maison,
  • Pour diversifier sa pédagogie en utilisant les TICE,
  • Pour différencier sa pédagogie en proposant un parcours d’enseignement permettant à chaque élève d’avancer à son rythme et de mobiliser différentes ressources en fonction de ses besoins.

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Quel outil utiliser ?

Il existe une multitude d’outils de gestion des parcours pédagogiques en ligne (voir la liste dans l’article suivant) et d’autres LMS devraient encore apparaître dans les mois qui viennent. Au moment de choisir celui que l’on va utiliser, il convient d’abord de faire le bilan de ce que l’on attend de ce genre d’outil. Pour ma part, je recherche :

  • Un outil gratuit (dans l’attente d’une suite de logiciels proposés par l’Education nationale après négociation et concertation avec des éditeurs),
  • Un outil qui puisse être utilisé directement en ligne sans installation sur le serveur ou les ordinateurs de l’établissement (car cela nécessite des démarches administratives et techniques trop longues et complexes),
  • Un outil intuitif et simple d’utilisation qui ne nécessite pas des heures de manipulation pour créer une activité ou l’élaboration d’un mode d’emploi trop complexe pour les élèves,
  • C’est pourquoi il m’a semblé également nécessaire de choisir un outil bénéficiant d’une version française afin de faciliter la prise en main par les élèves,
  • Un outil au design simple mais soigné et attractif,
  • Un outil qui me permette d’assurer un véritable suivi de la progression des élèves dans le parcours pédagogique,
  • Un outil qui me permette de proposer des ressources et activités variées,
  • Un outil qui me permette d’évaluer les travaux des élèves directement en ligne sans leur demander d’imprimer leurs productions,
  • Et enfin, un outil qui favorise le travail en équipes et la coopération entre les élèves.

C’est à partir de ces critères que j’ai progressivement éliminé différents outils. Cela ne signifie pas qu’ils soient inutiles, mais simplement qu’ils ne répondaient pas à mes besoins listés ci-dessus ou que je ne suis pas parvenu à en exploiter toutes les possibilités. Je serais cependant ravi de découvrir comment certains collègues les utilisent au quotidien :

  • Dokeos est un outil payant et ne propose qu’un version gratuite d’essai pour 60 jours.
  • Edmodo ressemble davantage selon moi à un espèce de Facebook ou Google+ où le professeur peut faire des groupes avec ses classes, publier des messages et distribuer des devoirs. Du coup, je ne le considère pas vraiment comme un outil de gestion des parcours pédagogiques et je ne vois pas ce qu’il apporte de plus qu’un ENT.
  • La complexité de Moodle m’a un peu rebuté. Si la plateforme est plutôt séduisante pour la publication de contenu, j’ai ensuite été assez déçu par les possibilités de suivi des élèves qui s’avèrent très limitées.
  • C’est un peu la même chose pour Didacti : en termes d’ergonomie et de facilité de prise en main, je trouve que cet outil est de loin le meilleur… mais il s’agit en fait davantage d’un agrégateur de contenus que d’un véritable outil de suivi des parcours pédagogiques.

Actualisation du 24 août 2014 : depuis le 18 août 2014, Didacti est devenu ChallengeU. Les modifications apportées sont très intéressantes. Elles permettent de créer de véritables séquences qui compilent plusieurs activités, en donnant la possibilité au professeur de vérifier les réponses. Néanmoins, ces nouvelles options n’atteignent pas encore le niveau de Canvas dans la gestion de la progression des élèves. 

  • Examtime n’est pas non plus selon moi un outil de gestion des parcours pédagogiques mais un simple exerciseur comme il en existe tant d’autres.
  • L’idée de Classcraft est est vraiment très intéressante. Elle consiste à transformer votre salle de classe en un terrain de jeu de rôles où les élèves gagnent ou perdent des points en fonction de leurs actions. L’ergonomie est stupéfiante mais hélas, il s’agit davantage d’une plateforme de gestion des activités menées en classe avec le professeur que d’un outil de gestion des parcours pédagogiques.

Bref, comme vous pouvez le constater, beaucoup d’outils qui se présentent comme des outils de gestion des parcours pédagogiques sont en fait des outils de publication de contenus et d’activités pédagogiques en ligne.

Il existe cependant quelques outils qui tentent d’aller un peu plus loin malgré quelques limites persistantes qui seront peut-être bientôt dépassées :

  • Claroline Connect a été pour moi une grande déception car la participation de Marcel Lebrun à sa réalisation laissait présager un outil pensé autour de valeurs pédagogiques que je partage. Hélas, le résultat final n’est pas encore à la hauteur. Les premières difficultés sont rencontrées dès le téléchargement qui nécessite des manipulations qui dépassent mes compétences informatiques. La version de démonstration bénéficie d’un tableau de bord plutôt simple mais je ne suis pas parvenu à trouver les fonctions permettant d’assurer un suivi des élèves.
  • Schoology ne bénéficie pas encore actuellement d’une version française et c’est vraiment dommage  parce qu’il semble particulièrement adapté aux attentes de l’enseignement secondaire. Espérons que la version française sera prochainement disponible…

Au final, un seul outil répond pour le moment à mes attentes : CANVAS

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Comment créer un parcours pédagogique sur Canvas ?

  • D’abord, bien que Canvas soit un outil développé par une société américaine et que la plupart des éléments de présentation sont en anglais, il existe bien une version française ! 
  • Ensuite, l’outil est complètement gratuit, sans période d’essai, ni version « Premium » ou « Pro » !
  • De plus, il est accompagné d’une chaîne vidéo composée de plusieurs dizaines de didacticiels permettant de prendre en main l’outil, d’en découvrir progressivement les potentialités et de résoudre des problèmes ponctuels.
  • Enfin, Canvas est directement disponible en ligne, mais peut aussi être utilisé sur tablettes et smartphones.

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Cette présentation a pour objectif d’expliquer les principales fonctionnalités de l’outil permettant de créer rapidement des parcours pédagogiques. Elle ne constitue pas cependant un regard exhaustif sur les nombreuses possibilités de cet outil.

Créer un cours

  1. Cette fonction est disponible directement sur votre tableau de bord et s’intitule simplement « commencer un nouveau cours« . Il vous suffit de lui donner un nom et de choisir si vous souhaitez le rendre public ou privé.
  2. Vous arrivez alors directement sur le page d’accueil de votre cours où il suffit ensuite de créer vos « modules » de cours, c’est-à-dire les différentes activités que vous souhaitez proposer à vos élèves.
  3. Ces modules peuvent être de différentes natures :
    • Un « texte de l’en-tête » afin de présenter l’activité et donner les consignes,
    • Une « page de contenu » ou un « fichier » afin d’écrire directement un texte dans Canvas ou bien mettre à disposition de vos élèves des documents (sans impératif de format : word, pdf, power point, etc.)
    • Un « URL externe », afin de diriger vos élèves vers un site web ou une page web sur lesquels vous souhaitez qu’ils travaillent,
    • Une « discussion » afin d’ouvrir un forum permettant à vos élèves de poser des questions et d’échanger entre eux au moment où il réalisent l’activité,
    • Un « questionnaire » vous permettant d’insérer des quiz intermédiaires ou finaux à votre parcours pédagogique. Ces questionnaires peuvent être notés, réalisés en temps limité, permettre aux élèves de voir les réponses à la fin de l’activité, permettre aux élèves de recommencer, etc.
    • Une « tache » qui correspond à un espace d’activité assez libre où les élèves doivent rendre une production écrite (dans laquelle ils peuvent joindre des images, des vidéos, des liens hypertextes, etc.). Vous pouvez indiquez dès le départ si cette tache doit être réalisée individuellement ou en groupe, le barème, la date d’échéance, si les élèves doivent vous le rendre via Canvas, via un outil externe ou sur papier, etc.
  4. Lorsque tous les modules de votre cours sont publiés, vous pouvez les organiser sous la forme d’un plan détaillé avec différents retraits pour mettre en valeur la cohérence et le cheminement de votre parcours. Il est également important de noter que vous pouvez imposer à vos élèves de réaliser chaque module dans l’ordre.

Et voilà ! C’est aussi simple que cela. Il vous suffit ensuite d’inviter vos élèves à s’inscrire au cours en leur fournissant l’adresse et un code d’inscription (à retrouver dans les paramètres).

Les autres fonctions

Toutes les autres fonctions de cet outil vous permettent d’aller beaucoup plus loin dans son exploitation. Elles ne sont pas obligatoires mais s’avèrent très utiles. En voici quelques exemples :

  1. Il vous est possible d’intégrer dans Canvas des outils que vous utilisez par ailleurs afin d’établir des liens entre eux : Google Docs, Facebook, Twitter, etc. Ainsi, il vous sera facile d’intégrer vos Google Formulaires dans les cours ou bien de prévenir vos élèves d’une nouvelle activité en leur envoyant une notification sur leur groupe Facebook.
  2. Vous pouvez également « passer des annonces » à l’intention des participants du cours afin de leur donner des informations complémentaires, corriger une erreur ou rappeler les délais.
  3. Vous pouvez coupler votre parcours avec un calendrier afin de donner à vos élèves des délais précis pour chaque activité et donc les obliger à travailler régulièrement.
  4. Les « questionnaires » peuvent être évalués : il vous suffit alors d’attribuer un nombre de points à chaque question et le logiciel se charge ensuite de vous envoyer les notes de l’ensemble des participants.
  5. Les « tâches » peuvent également être évaluées : vous recevez la production de vos élèves en ligne et il est possible de la corriger directement en ligne en l’annotant et en attribuant les points à partir du barème que vous avez fixé au départ.
  6. Des outils statistiques vous permettent de visualiser l’activité globale sur votre cours (nombre de pages vues) mais aussi la progression de chaque élève.
  7. Il vous est possible de régler la fréquence des notifications que vous souhaitez recevoir sur votre boite mail lorsqu’un élève rend un devoir, participe au forum, pose une question, etc…  Ainsi, c’est vous qui décidez des paramètres et de la fréquence du suivi que vous souhaitez mettre en place.
  8. Il est possible de laisser plus ou moins de liberté aux élèves sur le cours : ils peuvent par exemple se constituer en groupes de travail, mais ils peuvent aussi ajouter des sujets de discussion dans le forum.

Les limites de l’outil

  1. L’ergonomie et le design : l’interface pourrait être modernisée.
  2. La complexité : l’outil est tellement complet qu’il est parfois possible de se perdre dans les méandres des différents réglages.
  3. La traduction : il reste des sections où tous les termes n’ont pas encore été traduits.

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Quel usage de Canvas dans le cadre de la pédagogie participative et sociale ?

Pour mon premier essai, j’ai décidé de créer un cours à réaliser en présentiel avec les élèves en salle informatique. Cela me permet d’accompagner les élèves dans la découverte de ce nouvel outil et d’intervenir rapidement en cas de difficultés.

Les élèves reçoivent l’adresse du site et leur code de participation. Une fois inscrits, il me sera possible de classer les élèves dans des groupes afin de leur attribuer ensuite plus rapidement des activités.

Ils arrivent alors sur l’écran d’accueil de mon cours qui leur permet de prendre connaissance de la trame générale sous la forme d’un plan détaillé, en repérant tout de suite ce qui relève des documents à lire et des activités à réaliser :

Ecran d'accueil

Après avoir pris connaissances de l’introduction et des consignes générales, ils doivent réaliser toutes les étapes les unes derrière les autres. En fait, lorsqu’ils ont fini une activité, il leur suffit de cliquer sur le bouton « suivant » en bas à droite de l’écran pour passer à l’exercice suivant.

La plupart des activités consistent à repérer des informations dans un documents ou sur un site web afin de répondre à des questions ou remplir un quiz.

Les questionnaires sont d’ailleurs notés, mais dans le cadre d’une évaluation formative. C’est-à-dire qu’à la fin de chaque questionnaire, les élèves peuvent consulter la correction de l’exercice afin de visualiser leurs erreurs. Ils ont alors la possibilité de refaire une deuxième fois le questionnaire en prenant en compte les nouveaux éléments d’informations portés à leur connaissance. L’évaluation n’est donc pas ici considérée comme une sanction, mais bien comme un outil accompagnant l’apprentissage et permettant à l’élève de se situer dans sa progression. A mon sens, c’est sur cet aspect que repose le principal intérêt des parcours pédagogiques en ligne. Il s’agit d’accompagner l’élève dans son apprentissage jusqu’à ce qu’il parvienne à la bonne réponse.

J’ai ajouté un forum à ce cours afin de permettre aux élèves d’échanger entre eux pendant l’activité. Afin d’encourager cette collaboration interne à la classe, Canvas donne d’ailleurs la possibilité au professeur de récompenser un élève qui aurait aidé ses camarades en lui attribuant des points bonus.

La dernière activité consiste à produire une synthèse à partir de tous les éléments collectés pendant la première phase de l’exercice. Les élèves prennent connaissance des consignes et du barème, puis commencent à rédiger leur production directement sur Canvas. Lorsque l’exercice est terminé, ils doivent simplement cliquer sur « envoyer » pour valider leur travail.

Il ne me reste alors plus qu’à corriger leurs travaux en ligne et les élèves reçoivent alors leurs notes et leur correction ! De mon côté, je peux imprimer ou exporter le tableau récapitulatif des notes de l’ensemble du groupe.

L’utilisation du QCM est-elle un problème ?

Beaucoup d’enseignants français sont encore opposés à l’utilisation du QCM considéré comme contradictoire avec les attentes du système éducatif. On estime en effet que l’une des priorités de l’école française consiste à entraîner nos élèves à lire et écrire pour être ensuite eux-mêmes en mesure de développer un raisonnement construit, ce que les cases à cocher ne permettraient pas. Rien n’est moins sûr à partir du moment où l’on commence à réfléchir sur cet outil afin de l’utiliser à bon escient.

La présentation ci-dessous de Marcel Lebrun et Gwénaëlle Le Mauff fournit quelques éléments de réflexion dont nous proposons une synthèse et des adaptations dans le cadre de la pédagogie participative et sociale :

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Quels sont les avantages ?

  • L’objectivité : la pratique du QCM supprime les biais de l’évaluation.
  • La rapidité : certains outils disponibles sur Internet permettent désormais de créer gratuitement un QCM en seulement quelques minutes et de corriger des questionnaires en temps réel. Le gain de temps pour l’enseignant se chiffre en centaines d’heures par année.
  • Le diagnostic : certains outils d’évaluation par QCM permettent désormais aux correcteurs de recevoir des statistiques de réussite de ses élèves par question. Il devient dès lors possible de cibler rapidement les points nécessitant une remédiation.
  • La diversité des QCM : chaque exercice permettant d’évaluer une compétence particulière (vrai ou faux, questionnaire à choix unique, questionnaire à choix multiple, questionnaire processus, questionnaire à appariements, questionnaire d’ordonnancement, phrases à compléter etc.)

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Quels sont les inconvénients ?

  • Le risque de fraude : bien que la plupart des outils disponibles propose un classement aléatoire des réponses, voire des questions, il est difficile d’empêcher les élèves d’avoir parfois le regard porté sur l’écran du voisin.
  • La tentation du détail : au moment de la réalisation des QCM, l’enseignant peut être tenté de poser les questions sur des éléments précis de la leçon (date, formule, etc.) plutôt que de valider la compréhension globale du cours.
  • Le hasard : lorsque quatre solutions possibles sont proposées, il peut arriver qu’un élève ait parfois de la chance et réponde correctement par hasard. Un nombre suffisant de questions (au minimum 10) permet d’éviter cet écueil.
  • Les limites intrinsèques de l’outil : le QCM permet d’évaluer l’acquisition de connaissances, la compréhension d’une leçon, l’analyse d’un document, voire l’ordonnancement d’idées, mais il ne permet pas d’évaluer la rédaction, l’esprit de synthèse, l’invention de solutions nouvelles, etc. C’est un outil parmi d’autres.

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Quelle utilisation dans le cadre de la pédagogie participative et sociale ?

  • Règle n° 1 : Le QCM ne saurait être un mode d’évaluation exclusif. Il peut cependant s’intégrer en complément d’autres modes d’évaluation écrits et oraux. Les QCM peuvent en revanche être autant utilisés dans le cadre d’une évaluation diagnostique, formative, ou bien sommative.
  • Règle n° 2 : La consigne de l’exercice d’être claire (type d’exercice, choix unique ou multiple, etc.) et le barème doit être indiqué (pénalité en cas d’absence de réponse ou bien de réponse fausse ?).
  • Règle n° 3 : Il est possible de proposer aux élèves des QCM de préparation permettant de les accompagner dans leurs révisions en fléchant les éléments essentiels à retenir. Assez rapidement, les élèves peuvent aussi proposer leur propre QCM de révision à mutualiser avec l’ensemble de la classe.

En somme, l’utilisation du QCM ne vise pas seulement à évaluer l’élève, mais aussi à l’accompagner dans son apprentissage, à le rassurer en lui proposant des outils d’entraînement,  et à l’encourager à travailler en équipe en mutualisant les outils de révision.

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Des propositions d’outils

  1. EvalQCM : facile à utiliser, il vous permet d’inscrire en quelques minutes vos élèves par classe. Ces derniers se verront alors attribuér des QCM pour un temps d’évaluation bien défini. À l’issue de l’évaluation, ils reçoivent directement leur note et peuvent consulter la correction. L’enseignant reçoit de son côté un fichier Excel avec les notes de ses élèves et les statistiques de réussite à chaque question. Hélas, il n’est pas possible de stocker plus de 20 QCM en ligne et les types d’exercices sont assez limités.
  2. Claroline : permet de dépasser les limites du précédent outil, mais nécessite un téléchargement qui n’est pas toujours possible dans les établissements.

Pour une modernisation des ressources scolaires

L’un des principaux défis de l’enseignant qui décide de mettre en œuvre les principes de la pédagogie participative et sociale (PEPS) consiste à trouver des ressources adaptées aux élèves et aux programmes.

La solution la plus simple aujourd’hui est d’utiliser les parties « leçon » des manuels scolaires que les élèves peuvent travailler en autonomie avec l’aide de questionnaires d’accompagnement réalisés par le professeur. Cependant, ces pages ne sont pas toujours les plus satisfaisantes, ni les plus complètes. L’évolution des attentes de l’institution, des enseignants et des parents ont en effet progressivement conduit les éditeurs scolaires à minimiser les parties « leçon » au profit de multiples documents et dossiers.

Une alternative consiste à fournir aux élèves des polycopiés qui résument la partie du cours que l’on souhaite leur faire travailler en autonomie.

Ces solutions manquent cependant d’originalité et c’est pourquoi plusieurs professeurs ont récemment fait appel à la vidéo qui présente l’avantage de résumer en quelques minutes les éléments essentiels d’une leçon et qui peut être regardée sur un ordinateur en classe, sur une tablette au CDI, au fond de son lit ou bien dans les transports en commun.

Hélas, ces ressources restent encore rares ou bien inadaptées aux programmes scolaires français.

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Quels sont les besoins ?

Plusieurs exemples anglo-saxons fournissent des pistes de ce que pourraient être les ressources vidéo utilisables dans un contexte scolaire.

La série américaine Crash Course est particulièrement convaincante dans sa mise en scène et dans son découpage thématique. L’auteur utilise en effet l’humour et une dynamique soutenue pour conserver l’attention des élèves, tout en diffusant un contenu complet et structuré :

L’autre exemple désormais bien connu est celui de la Khan Academy  qui se diffuse à l’échelle internationale mais dont la version française ne propose pas pour l’instant de cours d’histoire, ni de géographie. Les ressources disponibles en anglais témoignent cependant d’un contenu efficace et d’une grande qualité reposant sur de courtes vidéos illustrées par des cartes et des documents d’archives :

L’intérêt de la Khan Academy ne se limite pas cependant à fournir des vidéos de cours. Le site Internet propose également de véritables parcours permettant de suivre une leçon complète ou bien seulement quelques séances qui sont à chaque fois associées à des activités permettant d’accompagner progressivement l’apprentissage.

C’est ce genre de ressources qui manquent aujourd’hui aux enseignants français, c’est-à-dire une banque de ressources dans laquelle ils pourraient piocher ponctuellement pour traiter certains aspects ponctuels de leurs cours.

Bien que les vidéos proposées par Pythagora et FranceTVéducation soit d’une qualité appréciable,  elles ne permettent pas pour l’instant une utilisation pédagogique en classe car elles se limitent à une approche synthétique par chapitre. Si elles sont très utiles aux élèves pour réviser à la veille d’un examen, elles ne permettent donc pas aux enseignants de recréer eux-mêmes leur propre parcours pédagogique.

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Vers un nouveau modèle économique

Les éditeurs de ressources scolaires ont bien pris conscience de l’évolution des attentes d’une partie grandissante des enseignants français qui, équipés de vidéoprojecteurs et de connexions Internet dans leurs salles de classe, utilisent de moins en moins les manuels au profit des ressources innombrables qui sont à leur disposition sur le Web. Dans de nombreux établissements, l’équipement systématique des élèves en manuels ne tient plus parfois qu’à la seule volonté des parents qui restent encore très attachés à cet objet qui a occupé une place importante dans leur propre scolarité. La réduction progressive des budgets des collectivités territoriales risque cependant de bientôt faire sauter ces derniers verrous… à moins que les éditeurs scolaires ne trouvent rapidement des solutions pour renouveler leur offre !

En face, d’autres acteurs se préparent en effet à attaquer le monopole des éditeurs scolaires. Il suffit pour s’en rendre compte d’observer le nombre de sites et d’applications mobiles qui ont été proposés gratuitement ou à des prix modiques aux élèves préparant un examen en 2014. Si certains relèvent de l’escroquerie, d’autres ont créé des contenus d’une grande qualité et continuent à recruter des enseignants pour élargir leur offre dès la prochaine rentrée.

Or, si la plupart des éditeurs scolaires sont vraisemblablement prêts à dégainer leur offre de ressources en ligne, ils n’ont pour l’instant encore rien annoncé officiellement pour la rentrée 2014. Et pour cause : le marché des manuels scolaires traditionnels reste encore confortable et les manuels numériques n’ont pas rencontré jusqu’à présent le succès escompté. Il faut dire que la mise en oeuvre de ces ressources a déçu de nombreux collègues en raison de la pauvreté initiale de l’offre (qui se contentait parfois de proposer un PDF des pages du manuel papier), de multiples difficultés techniques (notamment la complexité d’accès aux plateformes), mais aussi du coût  qui venait souvent s’ajouter à celui du manuel traditionnel (et souvent pour une durée limitée d’accès aux ressources numériques). De plus, alors que les spécimens-papier sont systématiquement envoyés dans les établissements, l’offre numérique n’a pas fait l’objet d’un véritable accompagnement permettant de convaincre les enseignants de leur utilité.

Dans le contexte budgétaire actuel, il est peu probable que des collectivités territoriales acceptent de financer les deux supports (papier et numérique). Or, à défaut d’un équipement  informatique systématique de toutes les salles de classe et des familles, les enseignants continueront encore à privilégier les versions papiers pendant quelques années, renvoyant ponctuellement leurs élèves à des ressources numériques gratuites et faisant le bonheur des  nouveaux acteurs qui se préparent depuis quelques mois à l’émergence d’une telle demande.

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Pour une modernisation des offres en ressources scolaires

A mon sens, les éditeurs scolaires qui parviendront à tirer leur épingle du jeu seront ceux qui accepteront d’adapter leur modèle économique en utilisant l’accès à des ressources numériques non pas comme une offre complémentaire, mais comme un produit d’appel associé au manuel papier. En somme, les équipes n’auraient pas à choisir entre le manuel papier et le manuel numérique, mais choisiraient leurs manuels papiers aussi en fonction de la qualité des services numériques qui lui seront associées.

De plus, il serait utile d’envisager la création de communautés d’enseignants susceptibles d’initier et de mutualiser sur la plateforme numérique de chaque manuel les activités qu’ils mettent en oeuvre dans l’utilisation quotidienne de ces ressources (à l’image de ce que propose modestement, mais avec succès, Le Livre Scolaire). Non seulement ce service permettrait d’assurer la promotion et le suivi des offres, mais il contribuerait également à la fidélisation des équipes à un produit.

En termes de contenus, il convient enfin d’insister sur l’importance aux yeux des enseignants de bénéficier d’une banque de ressources dans laquelle ils puissent piocher ponctuellement afin de recréer leur propre parcours pédagogique en fonction des choix de leur programmation, du matériel à leur disposition, du niveau de leurs élèves et de leur propre sensibilité pédagogique. Comme le rappelle très justement Bruno Devauchelle, l’enseignant est « un véritable ingénieur pédagogique » qui n’acceptera de s’emparer des ressources numériques qu’à condition « de ne pas vouloir guider constamment celui qui apprend mais simplement baliser une progression qu’une relation directe permettra éventuellement d’ajuster« .

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Espérons que les moyens annoncés récemment par le gouvernement pour le développement d’une filière industrielle française du numérique éducatif permettront de répondre à un tel défi. La très grande majorité des enseignants, des élèves et des parents sont attachés à la qualité éditoriale des manuels qui leurs sont actuellement proposés. Il serait regrettable qu’un manque de réactivité sur la forme finisse par nuire aux moyens permettant de financer le fond.

Quelques généralités avant de commencer

Les capsules vidéos constituent l’un des éléments les plus représentatifs de la pédagogie inversée, ce qui n’est pas sans susciter l’ironie de certains collègues qui considèrent un peu rapidement que le seul apport de cette pédagogie consiste à remplacer le cours donné en classe par un cours enregistré en vidéo.

L’existence d’un tel outil permet certes aux élèves de regarder un cours quand ils le veulent et autant de fois qu’ils le veulent, mais il oblige aussi le professeur à réfléchir sur la création et l’utilisation d’un nouvel outil de transmission des connaissances.

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Avant de passer en revue les outils permettant de créer de courtes vidéos de cours, il convient de rappeler quelques règles simples pour que cet outil soit utile et efficace :

Règle n° 1 : la vidéo doit être courte

Règle n° 2 : Il est préférable que le commentaire audio soit réalisé avec votre voix

Règle n° 3 : La vidéo doit suivre un plan clair et précis

Règle n° 4 : La plupart des illustrations doit avoir une valeur illustrative. Le format vidéo est peu adapté au commentaire de documents

Règle n° 5 : Le résultat final doit être dynamique

La collection des petites capsules produites en anglais par Crash Course sont à mon sens celles qui répondent le mieux à ces exigences, notamment par leur dynamisme et leur mise en scène :

 

Néanmoins, la série de vidéos produites par France TV dans le cadre de son MOOC pour les révisions du baccalauréat se défendent plutôt bien concernant la rigueur du plan :

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À défaut d’avoir les compétences techniques pour réaliser de telles vidéos, différents outils vous permettent néanmoins d’en approcher en quelques minutes :

1. Les enregistreurs d’écran

Ces outils permettent de commenter en direct vos différents supports de cours (PowerPoint, Prezi, SlideShare, etc.). Ils sont non seulement très efficaces, mais ils vous permettent également d’envisager la création de vidéos en seulement quelques minutes.

    • ShowMe (application iPad, gratuite)
    • Explain Everything (application iPad, 2,99 $)
    • Screenr (application Web, durée maximum de 5 minutes)
    • Screen-o-matic (application Web, durée maximum de 15 minutes)
    • Camstudio (logiciel libre et gratuit, Windows)
    • RecordMyDesktop (logiciel libre et gratuit pour Linux, inclus dans la distribution Ubuntu aussi)
    • VLC Media Player (logiciel libre et gratuit, Windows)
    • Camtasia (logiciel commercial Mac et PC)
    • Jing (Logiciel gratuit pour Mac et PC) : vidéos limitées à 5 minutes.

2. Les logiciels d’animation

La vidéo n’est cependant pas le seul support permettant de créer des animations. D’autres outils simples d’utilisation sont envisageables :

    • Le traditionnel PowerPoint permet de créer des présentations animées très convaincantes en seulement quelques clics.
    • Il est à noter que SlideShare propose des fonctionnalités similaires tout en permettant de stocker vos présentations sur Internet et de les rendre publiques.
    • Prezi permet de créer des présentations permettant d’intégrer des images, du son, des vidéos et des liens logiques entre tous ces éléments.
Cliquez sur l'image pour visualiser un exemple
Cliquez sur l’image pour visualiser un exemple

3. Powtoon

Une mention spéciale doit être accordée à ce logiciel en ligne qui permet de réaliser des animations très réussies en quelques minutes seulement. Au début, il est possible d’utiliser des modèles pour plus d’efficacité… mais vous aurez rapidement envie de construire vos propres animations correspondant à vos attentes et à votre personnalité.

L’exemple ci-dessous est une présentation réalisée par des élèves de Première :

Cliquez sur l'image pour accéder à la présentation
Cliquez sur l’image pour accéder à la présentation

Blackboard-BroochLorsque votre vidéo ou votre présentation est créée, plusieurs solutions s’offrent à vous pour la publier et la diffuser à vos élèves :

  1. Soit l’outil que vous avez choisi offre une solution d’hébergement interne : c’est le cas de SlideShare, Powtoon et Prezi ;
  2. Soit votre vidéo nécessite un hébergement externe : il est alors possible de la publier sur youtube, Daily Motion, Vimeo ou TeacherTube qui offrent des solutions gratuite.

Quelle place pour le travail personnel ?

La question du travail personnel a fait l’objet d’études récentes dans le cadre de la réflexion sur sa suppression à l’école primaire. En revanche, encore trop peu d’études sont consacrées à ce sujet pour l’enseignement secondaire. Deux documents nous permettent pourtant d’y réfléchir dans le cadre de la pédagogie participative et sociale :

  • L’ouvrage de Patrick Rayou : Faire ses devoirs. Enjeux cognitifs et sociaux d’une pratique ordinaire (Presses universitaires de Rennes, 2009).

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Que nous montrent ses études ?

  1. D’abord, que les élèves consacrent peu de temps au travail personnel (une heure en moyenne par jour).
  2. Ensuite, que ce travail est généralement peu rentable. En effet, il consiste pour la plupart des élèves à relire leur cours ou à essayer de l’apprendre par cœur. Rares sont ceux qui réalisent des synthèses et fiches de révision leur permettant d’accompagner le processus d’apprentissage. Quant aux exercices d’entraînement pour mettre en application les connaissances acquises durant le cours, ils sont généralement réalisés jusqu’à ce que l’élève rencontre une difficulté et décide d’attendre la correction.
  3. L’usage des réseaux sociaux et des outils numériques (pour écouter de la musique, regarder des séries, etc.) continue à gagner du terrain sur le temps de travail personnel des élèves.
  4. Enfin, le travail réalisé à la maison renforce les inégalités sociales entre les élèves dont les parents peuvent assurer un suivi et les élèves qui se retrouvent seuls le soir face à leur cahier et leurs difficultés.

Ce travail est par ailleurs souvent mal vécu par les élèves et leurs parents car il est synonyme d’angoisse lorsqu’un exercice pose des difficultés. De plus, il suscite de nombreuses frustrations lorsque le professeur consacre finalement peu de temps en classe à sa reprise ou sa correction.

Blackboard-BroochQuelles solutions envisager ?

Beaucoup de professeurs considèrent à tort que la classe inversée consiste schématiquement à externaliser l’acquisition des connaissances à la maison pour réserver le travail d’apprentissage et d’entraînement à la classe. Or, cette stratégie serait vaine si elle était mise en œuvre systématiquement. Seules quelques parties de la leçon peuvent donner lieu à une telle inversion.

L’un des objectifs de la pédagogie participative et sociale (PEPS) consiste plutôt à chercher des solutions pour rentabiliser le travail personnel sans trop l’alourdir et surtout sans mettre en difficulté les élèves qui n’ont pas forcément un adulte à leur disposition à la maison pour répondre à d’éventuelles questions.

C’est pourquoi le travail personnel dans le cadre de la PEPS ne consiste jamais à donner des ressources brutes à apprendre sans accompagnement ou des exercices d’application de la leçon. Il est plutôt préférable d’accompagner les ressources à travailler d’un questionnaire qui va permettre à l’élève d’être guidé dans son apprentissage et de l’aider à sélectionner les informations importantes à retenir.

Pour plus d’interactivité, il est par exemple possible d’accompagner une ressource vidéo d’un formulaire Google permettant au professeur de recevoir un fichier informatisé avec toutes les réponses des élèves. Ainsi, il lui est plus facile de repérer les élèves qui n’auraient pas fait leur travail et de sélectionner directement les réponses qui nécessitent une remédiation. Par ailleurs, l’usage d’un formulaire informatisé permet d’accompagner l’outil d’un lien pour solliciter l’aide de ses camarades via un forum.

Quoi qu’il en soit, il est important que tout travail personnel donne lieu à une reprise en classe afin de s’assurer que tous les élèves ont bien compris les éléments à retenir et qu’ils peuvent donc désormais se consacrer en classe à des activités complexes.