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Organiser une activité en autonomie avec un outil de gestion des parcours pédagogiques

Qu’est-ce qu’un outil de gestion des parcours pédagogiques ?

Les outils de gestion des parcours pédagogiques se sont démocratisés en parallèle des formations à distance en ligne. L’objectif consiste à suivre la progression des élèves grâce à un outil de suivi informatisé. Ces outils sont la plupart du temps évoqués sous leur appellation anglo-saxonne de « Learning Management System« .

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Quelle est leur utilité dans le cadre de la pédagogie participative et sociale ?

Je ne pense pas que ces outils pensés au départ pour l’enseignement en ligne aient vocation à être généralisés dans le cadre de l’enseignement en présentiel. Néanmoins, ils présentent certaines caractéristiques intéressantes qui peuvent être utilisées et adaptées aux pratiques traditionnelles et quotidiennes :

  • Pour pallier une absence prévue du professeur (formation, accompagnement d’un voyage scolaire…),
  • Pour accompagner un devoir à la maison,
  • Pour diversifier sa pédagogie en utilisant les TICE,
  • Pour différencier sa pédagogie en proposant un parcours d’enseignement permettant à chaque élève d’avancer à son rythme et de mobiliser différentes ressources en fonction de ses besoins.

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Quel outil utiliser ?

Il existe une multitude d’outils de gestion des parcours pédagogiques en ligne (voir la liste dans l’article suivant) et d’autres LMS devraient encore apparaître dans les mois qui viennent. Au moment de choisir celui que l’on va utiliser, il convient d’abord de faire le bilan de ce que l’on attend de ce genre d’outil. Pour ma part, je recherche :

  • Un outil gratuit (dans l’attente d’une suite de logiciels proposés par l’Education nationale après négociation et concertation avec des éditeurs),
  • Un outil qui puisse être utilisé directement en ligne sans installation sur le serveur ou les ordinateurs de l’établissement (car cela nécessite des démarches administratives et techniques trop longues et complexes),
  • Un outil intuitif et simple d’utilisation qui ne nécessite pas des heures de manipulation pour créer une activité ou l’élaboration d’un mode d’emploi trop complexe pour les élèves,
  • C’est pourquoi il m’a semblé également nécessaire de choisir un outil bénéficiant d’une version française afin de faciliter la prise en main par les élèves,
  • Un outil au design simple mais soigné et attractif,
  • Un outil qui me permette d’assurer un véritable suivi de la progression des élèves dans le parcours pédagogique,
  • Un outil qui me permette de proposer des ressources et activités variées,
  • Un outil qui me permette d’évaluer les travaux des élèves directement en ligne sans leur demander d’imprimer leurs productions,
  • Et enfin, un outil qui favorise le travail en équipes et la coopération entre les élèves.

C’est à partir de ces critères que j’ai progressivement éliminé différents outils. Cela ne signifie pas qu’ils soient inutiles, mais simplement qu’ils ne répondaient pas à mes besoins listés ci-dessus ou que je ne suis pas parvenu à en exploiter toutes les possibilités. Je serais cependant ravi de découvrir comment certains collègues les utilisent au quotidien :

  • Dokeos est un outil payant et ne propose qu’un version gratuite d’essai pour 60 jours.
  • Edmodo ressemble davantage selon moi à un espèce de Facebook ou Google+ où le professeur peut faire des groupes avec ses classes, publier des messages et distribuer des devoirs. Du coup, je ne le considère pas vraiment comme un outil de gestion des parcours pédagogiques et je ne vois pas ce qu’il apporte de plus qu’un ENT.
  • La complexité de Moodle m’a un peu rebuté. Si la plateforme est plutôt séduisante pour la publication de contenu, j’ai ensuite été assez déçu par les possibilités de suivi des élèves qui s’avèrent très limitées.
  • C’est un peu la même chose pour Didacti : en termes d’ergonomie et de facilité de prise en main, je trouve que cet outil est de loin le meilleur… mais il s’agit en fait davantage d’un agrégateur de contenus que d’un véritable outil de suivi des parcours pédagogiques.

Actualisation du 24 août 2014 : depuis le 18 août 2014, Didacti est devenu ChallengeU. Les modifications apportées sont très intéressantes. Elles permettent de créer de véritables séquences qui compilent plusieurs activités, en donnant la possibilité au professeur de vérifier les réponses. Néanmoins, ces nouvelles options n’atteignent pas encore le niveau de Canvas dans la gestion de la progression des élèves. 

  • Examtime n’est pas non plus selon moi un outil de gestion des parcours pédagogiques mais un simple exerciseur comme il en existe tant d’autres.
  • L’idée de Classcraft est est vraiment très intéressante. Elle consiste à transformer votre salle de classe en un terrain de jeu de rôles où les élèves gagnent ou perdent des points en fonction de leurs actions. L’ergonomie est stupéfiante mais hélas, il s’agit davantage d’une plateforme de gestion des activités menées en classe avec le professeur que d’un outil de gestion des parcours pédagogiques.

Bref, comme vous pouvez le constater, beaucoup d’outils qui se présentent comme des outils de gestion des parcours pédagogiques sont en fait des outils de publication de contenus et d’activités pédagogiques en ligne.

Il existe cependant quelques outils qui tentent d’aller un peu plus loin malgré quelques limites persistantes qui seront peut-être bientôt dépassées :

  • Claroline Connect a été pour moi une grande déception car la participation de Marcel Lebrun à sa réalisation laissait présager un outil pensé autour de valeurs pédagogiques que je partage. Hélas, le résultat final n’est pas encore à la hauteur. Les premières difficultés sont rencontrées dès le téléchargement qui nécessite des manipulations qui dépassent mes compétences informatiques. La version de démonstration bénéficie d’un tableau de bord plutôt simple mais je ne suis pas parvenu à trouver les fonctions permettant d’assurer un suivi des élèves.
  • Schoology ne bénéficie pas encore actuellement d’une version française et c’est vraiment dommage  parce qu’il semble particulièrement adapté aux attentes de l’enseignement secondaire. Espérons que la version française sera prochainement disponible…

Au final, un seul outil répond pour le moment à mes attentes : CANVAS

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Comment créer un parcours pédagogique sur Canvas ?

  • D’abord, bien que Canvas soit un outil développé par une société américaine et que la plupart des éléments de présentation sont en anglais, il existe bien une version française ! 
  • Ensuite, l’outil est complètement gratuit, sans période d’essai, ni version « Premium » ou « Pro » !
  • De plus, il est accompagné d’une chaîne vidéo composée de plusieurs dizaines de didacticiels permettant de prendre en main l’outil, d’en découvrir progressivement les potentialités et de résoudre des problèmes ponctuels.
  • Enfin, Canvas est directement disponible en ligne, mais peut aussi être utilisé sur tablettes et smartphones.

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Cette présentation a pour objectif d’expliquer les principales fonctionnalités de l’outil permettant de créer rapidement des parcours pédagogiques. Elle ne constitue pas cependant un regard exhaustif sur les nombreuses possibilités de cet outil.

Créer un cours

  1. Cette fonction est disponible directement sur votre tableau de bord et s’intitule simplement « commencer un nouveau cours« . Il vous suffit de lui donner un nom et de choisir si vous souhaitez le rendre public ou privé.
  2. Vous arrivez alors directement sur le page d’accueil de votre cours où il suffit ensuite de créer vos « modules » de cours, c’est-à-dire les différentes activités que vous souhaitez proposer à vos élèves.
  3. Ces modules peuvent être de différentes natures :
    • Un « texte de l’en-tête » afin de présenter l’activité et donner les consignes,
    • Une « page de contenu » ou un « fichier » afin d’écrire directement un texte dans Canvas ou bien mettre à disposition de vos élèves des documents (sans impératif de format : word, pdf, power point, etc.)
    • Un « URL externe », afin de diriger vos élèves vers un site web ou une page web sur lesquels vous souhaitez qu’ils travaillent,
    • Une « discussion » afin d’ouvrir un forum permettant à vos élèves de poser des questions et d’échanger entre eux au moment où il réalisent l’activité,
    • Un « questionnaire » vous permettant d’insérer des quiz intermédiaires ou finaux à votre parcours pédagogique. Ces questionnaires peuvent être notés, réalisés en temps limité, permettre aux élèves de voir les réponses à la fin de l’activité, permettre aux élèves de recommencer, etc.
    • Une « tache » qui correspond à un espace d’activité assez libre où les élèves doivent rendre une production écrite (dans laquelle ils peuvent joindre des images, des vidéos, des liens hypertextes, etc.). Vous pouvez indiquez dès le départ si cette tache doit être réalisée individuellement ou en groupe, le barème, la date d’échéance, si les élèves doivent vous le rendre via Canvas, via un outil externe ou sur papier, etc.
  4. Lorsque tous les modules de votre cours sont publiés, vous pouvez les organiser sous la forme d’un plan détaillé avec différents retraits pour mettre en valeur la cohérence et le cheminement de votre parcours. Il est également important de noter que vous pouvez imposer à vos élèves de réaliser chaque module dans l’ordre.

Et voilà ! C’est aussi simple que cela. Il vous suffit ensuite d’inviter vos élèves à s’inscrire au cours en leur fournissant l’adresse et un code d’inscription (à retrouver dans les paramètres).

Les autres fonctions

Toutes les autres fonctions de cet outil vous permettent d’aller beaucoup plus loin dans son exploitation. Elles ne sont pas obligatoires mais s’avèrent très utiles. En voici quelques exemples :

  1. Il vous est possible d’intégrer dans Canvas des outils que vous utilisez par ailleurs afin d’établir des liens entre eux : Google Docs, Facebook, Twitter, etc. Ainsi, il vous sera facile d’intégrer vos Google Formulaires dans les cours ou bien de prévenir vos élèves d’une nouvelle activité en leur envoyant une notification sur leur groupe Facebook.
  2. Vous pouvez également « passer des annonces » à l’intention des participants du cours afin de leur donner des informations complémentaires, corriger une erreur ou rappeler les délais.
  3. Vous pouvez coupler votre parcours avec un calendrier afin de donner à vos élèves des délais précis pour chaque activité et donc les obliger à travailler régulièrement.
  4. Les « questionnaires » peuvent être évalués : il vous suffit alors d’attribuer un nombre de points à chaque question et le logiciel se charge ensuite de vous envoyer les notes de l’ensemble des participants.
  5. Les « tâches » peuvent également être évaluées : vous recevez la production de vos élèves en ligne et il est possible de la corriger directement en ligne en l’annotant et en attribuant les points à partir du barème que vous avez fixé au départ.
  6. Des outils statistiques vous permettent de visualiser l’activité globale sur votre cours (nombre de pages vues) mais aussi la progression de chaque élève.
  7. Il vous est possible de régler la fréquence des notifications que vous souhaitez recevoir sur votre boite mail lorsqu’un élève rend un devoir, participe au forum, pose une question, etc…  Ainsi, c’est vous qui décidez des paramètres et de la fréquence du suivi que vous souhaitez mettre en place.
  8. Il est possible de laisser plus ou moins de liberté aux élèves sur le cours : ils peuvent par exemple se constituer en groupes de travail, mais ils peuvent aussi ajouter des sujets de discussion dans le forum.

Les limites de l’outil

  1. L’ergonomie et le design : l’interface pourrait être modernisée.
  2. La complexité : l’outil est tellement complet qu’il est parfois possible de se perdre dans les méandres des différents réglages.
  3. La traduction : il reste des sections où tous les termes n’ont pas encore été traduits.

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Quel usage de Canvas dans le cadre de la pédagogie participative et sociale ?

Pour mon premier essai, j’ai décidé de créer un cours à réaliser en présentiel avec les élèves en salle informatique. Cela me permet d’accompagner les élèves dans la découverte de ce nouvel outil et d’intervenir rapidement en cas de difficultés.

Les élèves reçoivent l’adresse du site et leur code de participation. Une fois inscrits, il me sera possible de classer les élèves dans des groupes afin de leur attribuer ensuite plus rapidement des activités.

Ils arrivent alors sur l’écran d’accueil de mon cours qui leur permet de prendre connaissance de la trame générale sous la forme d’un plan détaillé, en repérant tout de suite ce qui relève des documents à lire et des activités à réaliser :

Ecran d'accueil

Après avoir pris connaissances de l’introduction et des consignes générales, ils doivent réaliser toutes les étapes les unes derrière les autres. En fait, lorsqu’ils ont fini une activité, il leur suffit de cliquer sur le bouton « suivant » en bas à droite de l’écran pour passer à l’exercice suivant.

La plupart des activités consistent à repérer des informations dans un documents ou sur un site web afin de répondre à des questions ou remplir un quiz.

Les questionnaires sont d’ailleurs notés, mais dans le cadre d’une évaluation formative. C’est-à-dire qu’à la fin de chaque questionnaire, les élèves peuvent consulter la correction de l’exercice afin de visualiser leurs erreurs. Ils ont alors la possibilité de refaire une deuxième fois le questionnaire en prenant en compte les nouveaux éléments d’informations portés à leur connaissance. L’évaluation n’est donc pas ici considérée comme une sanction, mais bien comme un outil accompagnant l’apprentissage et permettant à l’élève de se situer dans sa progression. A mon sens, c’est sur cet aspect que repose le principal intérêt des parcours pédagogiques en ligne. Il s’agit d’accompagner l’élève dans son apprentissage jusqu’à ce qu’il parvienne à la bonne réponse.

J’ai ajouté un forum à ce cours afin de permettre aux élèves d’échanger entre eux pendant l’activité. Afin d’encourager cette collaboration interne à la classe, Canvas donne d’ailleurs la possibilité au professeur de récompenser un élève qui aurait aidé ses camarades en lui attribuant des points bonus.

La dernière activité consiste à produire une synthèse à partir de tous les éléments collectés pendant la première phase de l’exercice. Les élèves prennent connaissance des consignes et du barème, puis commencent à rédiger leur production directement sur Canvas. Lorsque l’exercice est terminé, ils doivent simplement cliquer sur « envoyer » pour valider leur travail.

Il ne me reste alors plus qu’à corriger leurs travaux en ligne et les élèves reçoivent alors leurs notes et leur correction ! De mon côté, je peux imprimer ou exporter le tableau récapitulatif des notes de l’ensemble du groupe.

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L’utilisation du QCM est-elle un problème ?

Beaucoup d’enseignants français sont encore opposés à l’utilisation du QCM considéré comme contradictoire avec les attentes du système éducatif. On estime en effet que l’une des priorités de l’école française consiste à entraîner nos élèves à lire et écrire pour être ensuite eux-mêmes en mesure de développer un raisonnement construit, ce que les cases à cocher ne permettraient pas. Rien n’est moins sûr à partir du moment où l’on commence à réfléchir sur cet outil afin de l’utiliser à bon escient.

La présentation ci-dessous de Marcel Lebrun et Gwénaëlle Le Mauff fournit quelques éléments de réflexion dont nous proposons une synthèse et des adaptations dans le cadre de la pédagogie participative et sociale :

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Quels sont les avantages ?

  • L’objectivité : la pratique du QCM supprime les biais de l’évaluation.
  • La rapidité : certains outils disponibles sur Internet permettent désormais de créer gratuitement un QCM en seulement quelques minutes et de corriger des questionnaires en temps réel. Le gain de temps pour l’enseignant se chiffre en centaines d’heures par année.
  • Le diagnostic : certains outils d’évaluation par QCM permettent désormais aux correcteurs de recevoir des statistiques de réussite de ses élèves par question. Il devient dès lors possible de cibler rapidement les points nécessitant une remédiation.
  • La diversité des QCM : chaque exercice permettant d’évaluer une compétence particulière (vrai ou faux, questionnaire à choix unique, questionnaire à choix multiple, questionnaire processus, questionnaire à appariements, questionnaire d’ordonnancement, phrases à compléter etc.)

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Quels sont les inconvénients ?

  • Le risque de fraude : bien que la plupart des outils disponibles propose un classement aléatoire des réponses, voire des questions, il est difficile d’empêcher les élèves d’avoir parfois le regard porté sur l’écran du voisin.
  • La tentation du détail : au moment de la réalisation des QCM, l’enseignant peut être tenté de poser les questions sur des éléments précis de la leçon (date, formule, etc.) plutôt que de valider la compréhension globale du cours.
  • Le hasard : lorsque quatre solutions possibles sont proposées, il peut arriver qu’un élève ait parfois de la chance et réponde correctement par hasard. Un nombre suffisant de questions (au minimum 10) permet d’éviter cet écueil.
  • Les limites intrinsèques de l’outil : le QCM permet d’évaluer l’acquisition de connaissances, la compréhension d’une leçon, l’analyse d’un document, voire l’ordonnancement d’idées, mais il ne permet pas d’évaluer la rédaction, l’esprit de synthèse, l’invention de solutions nouvelles, etc. C’est un outil parmi d’autres.

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Quelle utilisation dans le cadre de la pédagogie participative et sociale ?

  • Règle n° 1 : Le QCM ne saurait être un mode d’évaluation exclusif. Il peut cependant s’intégrer en complément d’autres modes d’évaluation écrits et oraux. Les QCM peuvent en revanche être autant utilisés dans le cadre d’une évaluation diagnostique, formative, ou bien sommative.
  • Règle n° 2 : La consigne de l’exercice d’être claire (type d’exercice, choix unique ou multiple, etc.) et le barème doit être indiqué (pénalité en cas d’absence de réponse ou bien de réponse fausse ?).
  • Règle n° 3 : Il est possible de proposer aux élèves des QCM de préparation permettant de les accompagner dans leurs révisions en fléchant les éléments essentiels à retenir. Assez rapidement, les élèves peuvent aussi proposer leur propre QCM de révision à mutualiser avec l’ensemble de la classe.

En somme, l’utilisation du QCM ne vise pas seulement à évaluer l’élève, mais aussi à l’accompagner dans son apprentissage, à le rassurer en lui proposant des outils d’entraînement,  et à l’encourager à travailler en équipe en mutualisant les outils de révision.

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Des propositions d’outils

  1. EvalQCM : facile à utiliser, il vous permet d’inscrire en quelques minutes vos élèves par classe. Ces derniers se verront alors attribuér des QCM pour un temps d’évaluation bien défini. À l’issue de l’évaluation, ils reçoivent directement leur note et peuvent consulter la correction. L’enseignant reçoit de son côté un fichier Excel avec les notes de ses élèves et les statistiques de réussite à chaque question. Hélas, il n’est pas possible de stocker plus de 20 QCM en ligne et les types d’exercices sont assez limités.
  2. Claroline : permet de dépasser les limites du précédent outil, mais nécessite un téléchargement qui n’est pas toujours possible dans les établissements.

Pour une modernisation des ressources scolaires

L’un des principaux défis de l’enseignant qui décide de mettre en œuvre les principes de la pédagogie participative et sociale (PEPS) consiste à trouver des ressources adaptées aux élèves et aux programmes.

La solution la plus simple aujourd’hui est d’utiliser les parties « leçon » des manuels scolaires que les élèves peuvent travailler en autonomie avec l’aide de questionnaires d’accompagnement réalisés par le professeur. Cependant, ces pages ne sont pas toujours les plus satisfaisantes, ni les plus complètes. L’évolution des attentes de l’institution, des enseignants et des parents ont en effet progressivement conduit les éditeurs scolaires à minimiser les parties « leçon » au profit de multiples documents et dossiers.

Une alternative consiste à fournir aux élèves des polycopiés qui résument la partie du cours que l’on souhaite leur faire travailler en autonomie.

Ces solutions manquent cependant d’originalité et c’est pourquoi plusieurs professeurs ont récemment fait appel à la vidéo qui présente l’avantage de résumer en quelques minutes les éléments essentiels d’une leçon et qui peut être regardée sur un ordinateur en classe, sur une tablette au CDI, au fond de son lit ou bien dans les transports en commun.

Hélas, ces ressources restent encore rares ou bien inadaptées aux programmes scolaires français.

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Quels sont les besoins ?

Plusieurs exemples anglo-saxons fournissent des pistes de ce que pourraient être les ressources vidéo utilisables dans un contexte scolaire.

La série américaine Crash Course est particulièrement convaincante dans sa mise en scène et dans son découpage thématique. L’auteur utilise en effet l’humour et une dynamique soutenue pour conserver l’attention des élèves, tout en diffusant un contenu complet et structuré :

L’autre exemple désormais bien connu est celui de la Khan Academy  qui se diffuse à l’échelle internationale mais dont la version française ne propose pas pour l’instant de cours d’histoire, ni de géographie. Les ressources disponibles en anglais témoignent cependant d’un contenu efficace et d’une grande qualité reposant sur de courtes vidéos illustrées par des cartes et des documents d’archives :

L’intérêt de la Khan Academy ne se limite pas cependant à fournir des vidéos de cours. Le site Internet propose également de véritables parcours permettant de suivre une leçon complète ou bien seulement quelques séances qui sont à chaque fois associées à des activités permettant d’accompagner progressivement l’apprentissage.

C’est ce genre de ressources qui manquent aujourd’hui aux enseignants français, c’est-à-dire une banque de ressources dans laquelle ils pourraient piocher ponctuellement pour traiter certains aspects ponctuels de leurs cours.

Bien que les vidéos proposées par Pythagora et FranceTVéducation soit d’une qualité appréciable,  elles ne permettent pas pour l’instant une utilisation pédagogique en classe car elles se limitent à une approche synthétique par chapitre. Si elles sont très utiles aux élèves pour réviser à la veille d’un examen, elles ne permettent donc pas aux enseignants de recréer eux-mêmes leur propre parcours pédagogique.

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Vers un nouveau modèle économique

Les éditeurs de ressources scolaires ont bien pris conscience de l’évolution des attentes d’une partie grandissante des enseignants français qui, équipés de vidéoprojecteurs et de connexions Internet dans leurs salles de classe, utilisent de moins en moins les manuels au profit des ressources innombrables qui sont à leur disposition sur le Web. Dans de nombreux établissements, l’équipement systématique des élèves en manuels ne tient plus parfois qu’à la seule volonté des parents qui restent encore très attachés à cet objet qui a occupé une place importante dans leur propre scolarité. La réduction progressive des budgets des collectivités territoriales risque cependant de bientôt faire sauter ces derniers verrous… à moins que les éditeurs scolaires ne trouvent rapidement des solutions pour renouveler leur offre !

En face, d’autres acteurs se préparent en effet à attaquer le monopole des éditeurs scolaires. Il suffit pour s’en rendre compte d’observer le nombre de sites et d’applications mobiles qui ont été proposés gratuitement ou à des prix modiques aux élèves préparant un examen en 2014. Si certains relèvent de l’escroquerie, d’autres ont créé des contenus d’une grande qualité et continuent à recruter des enseignants pour élargir leur offre dès la prochaine rentrée.

Or, si la plupart des éditeurs scolaires sont vraisemblablement prêts à dégainer leur offre de ressources en ligne, ils n’ont pour l’instant encore rien annoncé officiellement pour la rentrée 2014. Et pour cause : le marché des manuels scolaires traditionnels reste encore confortable et les manuels numériques n’ont pas rencontré jusqu’à présent le succès escompté. Il faut dire que la mise en oeuvre de ces ressources a déçu de nombreux collègues en raison de la pauvreté initiale de l’offre (qui se contentait parfois de proposer un PDF des pages du manuel papier), de multiples difficultés techniques (notamment la complexité d’accès aux plateformes), mais aussi du coût  qui venait souvent s’ajouter à celui du manuel traditionnel (et souvent pour une durée limitée d’accès aux ressources numériques). De plus, alors que les spécimens-papier sont systématiquement envoyés dans les établissements, l’offre numérique n’a pas fait l’objet d’un véritable accompagnement permettant de convaincre les enseignants de leur utilité.

Dans le contexte budgétaire actuel, il est peu probable que des collectivités territoriales acceptent de financer les deux supports (papier et numérique). Or, à défaut d’un équipement  informatique systématique de toutes les salles de classe et des familles, les enseignants continueront encore à privilégier les versions papiers pendant quelques années, renvoyant ponctuellement leurs élèves à des ressources numériques gratuites et faisant le bonheur des  nouveaux acteurs qui se préparent depuis quelques mois à l’émergence d’une telle demande.

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Pour une modernisation des offres en ressources scolaires

A mon sens, les éditeurs scolaires qui parviendront à tirer leur épingle du jeu seront ceux qui accepteront d’adapter leur modèle économique en utilisant l’accès à des ressources numériques non pas comme une offre complémentaire, mais comme un produit d’appel associé au manuel papier. En somme, les équipes n’auraient pas à choisir entre le manuel papier et le manuel numérique, mais choisiraient leurs manuels papiers aussi en fonction de la qualité des services numériques qui lui seront associées.

De plus, il serait utile d’envisager la création de communautés d’enseignants susceptibles d’initier et de mutualiser sur la plateforme numérique de chaque manuel les activités qu’ils mettent en oeuvre dans l’utilisation quotidienne de ces ressources (à l’image de ce que propose modestement, mais avec succès, Le Livre Scolaire). Non seulement ce service permettrait d’assurer la promotion et le suivi des offres, mais il contribuerait également à la fidélisation des équipes à un produit.

En termes de contenus, il convient enfin d’insister sur l’importance aux yeux des enseignants de bénéficier d’une banque de ressources dans laquelle ils puissent piocher ponctuellement afin de recréer leur propre parcours pédagogique en fonction des choix de leur programmation, du matériel à leur disposition, du niveau de leurs élèves et de leur propre sensibilité pédagogique. Comme le rappelle très justement Bruno Devauchelle, l’enseignant est « un véritable ingénieur pédagogique » qui n’acceptera de s’emparer des ressources numériques qu’à condition « de ne pas vouloir guider constamment celui qui apprend mais simplement baliser une progression qu’une relation directe permettra éventuellement d’ajuster« .

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Espérons que les moyens annoncés récemment par le gouvernement pour le développement d’une filière industrielle française du numérique éducatif permettront de répondre à un tel défi. La très grande majorité des enseignants, des élèves et des parents sont attachés à la qualité éditoriale des manuels qui leurs sont actuellement proposés. Il serait regrettable qu’un manque de réactivité sur la forme finisse par nuire aux moyens permettant de financer le fond.

Quelques généralités avant de commencer

Les capsules vidéos constituent l’un des éléments les plus représentatifs de la pédagogie inversée, ce qui n’est pas sans susciter l’ironie de certains collègues qui considèrent un peu rapidement que le seul apport de cette pédagogie consiste à remplacer le cours donné en classe par un cours enregistré en vidéo.

L’existence d’un tel outil permet certes aux élèves de regarder un cours quand ils le veulent et autant de fois qu’ils le veulent, mais il oblige aussi le professeur à réfléchir sur la création et l’utilisation d’un nouvel outil de transmission des connaissances.

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Avant de passer en revue les outils permettant de créer de courtes vidéos de cours, il convient de rappeler quelques règles simples pour que cet outil soit utile et efficace :

Règle n° 1 : la vidéo doit être courte

Règle n° 2 : Il est préférable que le commentaire audio soit réalisé avec votre voix

Règle n° 3 : La vidéo doit suivre un plan clair et précis

Règle n° 4 : La plupart des illustrations doit avoir une valeur illustrative. Le format vidéo est peu adapté au commentaire de documents

Règle n° 5 : Le résultat final doit être dynamique

La collection des petites capsules produites en anglais par Crash Course sont à mon sens celles qui répondent le mieux à ces exigences, notamment par leur dynamisme et leur mise en scène :

 

Néanmoins, la série de vidéos produites par France TV dans le cadre de son MOOC pour les révisions du baccalauréat se défendent plutôt bien concernant la rigueur du plan :

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À défaut d’avoir les compétences techniques pour réaliser de telles vidéos, différents outils vous permettent néanmoins d’en approcher en quelques minutes :

1. Les enregistreurs d’écran

Ces outils permettent de commenter en direct vos différents supports de cours (PowerPoint, Prezi, SlideShare, etc.). Ils sont non seulement très efficaces, mais ils vous permettent également d’envisager la création de vidéos en seulement quelques minutes.

    • ShowMe (application iPad, gratuite)
    • Explain Everything (application iPad, 2,99 $)
    • Screenr (application Web, durée maximum de 5 minutes)
    • Screen-o-matic (application Web, durée maximum de 15 minutes)
    • Camstudio (logiciel libre et gratuit, Windows)
    • RecordMyDesktop (logiciel libre et gratuit pour Linux, inclus dans la distribution Ubuntu aussi)
    • VLC Media Player (logiciel libre et gratuit, Windows)
    • Camtasia (logiciel commercial Mac et PC)
    • Jing (Logiciel gratuit pour Mac et PC) : vidéos limitées à 5 minutes.

2. Les logiciels d’animation

La vidéo n’est cependant pas le seul support permettant de créer des animations. D’autres outils simples d’utilisation sont envisageables :

    • Le traditionnel PowerPoint permet de créer des présentations animées très convaincantes en seulement quelques clics.
    • Il est à noter que SlideShare propose des fonctionnalités similaires tout en permettant de stocker vos présentations sur Internet et de les rendre publiques.
    • Prezi permet de créer des présentations permettant d’intégrer des images, du son, des vidéos et des liens logiques entre tous ces éléments.
Cliquez sur l'image pour visualiser un exemple
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3. Powtoon

Une mention spéciale doit être accordée à ce logiciel en ligne qui permet de réaliser des animations très réussies en quelques minutes seulement. Au début, il est possible d’utiliser des modèles pour plus d’efficacité… mais vous aurez rapidement envie de construire vos propres animations correspondant à vos attentes et à votre personnalité.

L’exemple ci-dessous est une présentation réalisée par des élèves de Première :

Cliquez sur l'image pour accéder à la présentation
Cliquez sur l’image pour accéder à la présentation

Blackboard-BroochLorsque votre vidéo ou votre présentation est créée, plusieurs solutions s’offrent à vous pour la publier et la diffuser à vos élèves :

  1. Soit l’outil que vous avez choisi offre une solution d’hébergement interne : c’est le cas de SlideShare, Powtoon et Prezi ;
  2. Soit votre vidéo nécessite un hébergement externe : il est alors possible de la publier sur youtube, Daily Motion, Vimeo ou TeacherTube qui offrent des solutions gratuite.

Quelle place pour le travail personnel ?

La question du travail personnel a fait l’objet d’études récentes dans le cadre de la réflexion sur sa suppression à l’école primaire. En revanche, encore trop peu d’études sont consacrées à ce sujet pour l’enseignement secondaire. Deux documents nous permettent pourtant d’y réfléchir dans le cadre de la pédagogie participative et sociale :

  • L’ouvrage de Patrick Rayou : Faire ses devoirs. Enjeux cognitifs et sociaux d’une pratique ordinaire (Presses universitaires de Rennes, 2009).

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Que nous montrent ses études ?

  1. D’abord, que les élèves consacrent peu de temps au travail personnel (une heure en moyenne par jour).
  2. Ensuite, que ce travail est généralement peu rentable. En effet, il consiste pour la plupart des élèves à relire leur cours ou à essayer de l’apprendre par cœur. Rares sont ceux qui réalisent des synthèses et fiches de révision leur permettant d’accompagner le processus d’apprentissage. Quant aux exercices d’entraînement pour mettre en application les connaissances acquises durant le cours, ils sont généralement réalisés jusqu’à ce que l’élève rencontre une difficulté et décide d’attendre la correction.
  3. L’usage des réseaux sociaux et des outils numériques (pour écouter de la musique, regarder des séries, etc.) continue à gagner du terrain sur le temps de travail personnel des élèves.
  4. Enfin, le travail réalisé à la maison renforce les inégalités sociales entre les élèves dont les parents peuvent assurer un suivi et les élèves qui se retrouvent seuls le soir face à leur cahier et leurs difficultés.

Ce travail est par ailleurs souvent mal vécu par les élèves et leurs parents car il est synonyme d’angoisse lorsqu’un exercice pose des difficultés. De plus, il suscite de nombreuses frustrations lorsque le professeur consacre finalement peu de temps en classe à sa reprise ou sa correction.

Blackboard-BroochQuelles solutions envisager ?

Beaucoup de professeurs considèrent à tort que la classe inversée consiste schématiquement à externaliser l’acquisition des connaissances à la maison pour réserver le travail d’apprentissage et d’entraînement à la classe. Or, cette stratégie serait vaine si elle était mise en œuvre systématiquement. Seules quelques parties de la leçon peuvent donner lieu à une telle inversion.

L’un des objectifs de la pédagogie participative et sociale (PEPS) consiste plutôt à chercher des solutions pour rentabiliser le travail personnel sans trop l’alourdir et surtout sans mettre en difficulté les élèves qui n’ont pas forcément un adulte à leur disposition à la maison pour répondre à d’éventuelles questions.

C’est pourquoi le travail personnel dans le cadre de la PEPS ne consiste jamais à donner des ressources brutes à apprendre sans accompagnement ou des exercices d’application de la leçon. Il est plutôt préférable d’accompagner les ressources à travailler d’un questionnaire qui va permettre à l’élève d’être guidé dans son apprentissage et de l’aider à sélectionner les informations importantes à retenir.

Pour plus d’interactivité, il est par exemple possible d’accompagner une ressource vidéo d’un formulaire Google permettant au professeur de recevoir un fichier informatisé avec toutes les réponses des élèves. Ainsi, il lui est plus facile de repérer les élèves qui n’auraient pas fait leur travail et de sélectionner directement les réponses qui nécessitent une remédiation. Par ailleurs, l’usage d’un formulaire informatisé permet d’accompagner l’outil d’un lien pour solliciter l’aide de ses camarades via un forum.

Quoi qu’il en soit, il est important que tout travail personnel donne lieu à une reprise en classe afin de s’assurer que tous les élèves ont bien compris les éléments à retenir et qu’ils peuvent donc désormais se consacrer en classe à des activités complexes.

Comment donner du PEPS à son cours ?

Cet article se présente comme un mode d’emploi simplifié permettant de construire rapidement une séquence utilisant la pédagogie participative et sociale (PEPS).

Etape 1 : construire le plan de la séquence et identifier les connaissances à partir notamment des programmes et des ressources sur Eduscol.

Etape 2 : sélectionner les parties du cours qui peuvent faire l’objet d’un enseignement en autonomie

Plusieurs critères permettent de sélectionner ces parties :

  • Elles sont relativement simples et permettent aux élèves de travailler en autonomie,
  • Elles ne nécessitent pas ou peu d’analyse et consistent généralement en un simple repérage d’informations. Toute activité susceptible de mettre en difficulté l’élève doit être réservée au temps de la classe afin qu’il puisse solliciter d’autres élèves ou bien le professeur.
  • Elles sont résumées dans un document support ou une ressource que vous pouvez mettre facilement à la disposition des élèves (vidéo, dossier du manuel, résumé de cours, etc.). Si aucune ressource ne vous semble satisfaisante, il est possible de la créer vous-même (voir la rubrique « Outils & Didicticiels »).

Etape 3 : préparer un questionnaire d’accompagnement pour guider la préparation des élèves

Donner une vidéo à regarder ou texte à lire sans accompagnement s’avère généralement peu efficace car rares sont les élèves capables de sélectionner l’information essentielle d’un document. C’est pourquoi il est nécessaire des les accompagner dans cette étape.

L’utilisation d’un formulaire Google est particulièrement intéressant car il permet au professeur de recevoir automatiquement un fichier avec les réponses des élèves. Il lui est donc possible de vérifier en quelques secondes avant le cours les éventuels élèves qui n’auraient pas fait l’exercice, mais aussi de sélectionner certaines réponses susceptibles de faire l’objet d’une reprise en classe.

Non seulement le suivi du travail des élèves est beaucoup plus précis, mais il permet également d’organiser une remédiation plus efficace lorsque le professeur s’aperçoit qu’une majorité des élèves n’a pas réussi une question précise. Quoiqu’il en soit, il est important que chaque partie réalisée en autonomie par les élèves fasse l’objet d’une reprise collective en classe afin qu’ils puissent poser d’éventuelles questions.

Précisons enfin que ces travaux en autonomie ne signifient pas forcément qu’ils doivent être réalisés à la maison. Il est tout à fait possible d’envisager une telle session en salle informatique.

Etape 4 : profiter du temps d’enseignement ainsi économisé pour consacrer davantage de temps en classe aux apprentissages

Trop souvent, les exercices d’entraînement sont réalisés à la maison car ils sont particulièrement chronophages. Grâce à la PEPS, il est possible de dégager davantage de temps pour ces activités, mais aussi pour diversifier et différencier les pratiques pédagogiques. La rubrique « Outils & Didacticiels » de ce site est notamment consacrée à présenter les différentes activités mises en oeuvre dans ce cadre.

Etape 5 : préparer l’évaluation

A la fin de chaque séance, le professeur met à la disposition des élèves une quiz leur permettant de réviser les connaissances essentielles de la leçon en vue de l’évaluation.

Etape 6 : évaluer et remédier

Cette étape fait l’objet d’un article spécifique 

L’enseignant : une espèce en voie de disparition ?

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Certains collègues sont très réticents à l’idée de proposer des parties, voire la totalité de leurs cours sur le web au motif que cela constituerait un dessaisissement du pouvoir intellectuel du professeur légitimant son autorité en classe et son statut professionnel dans la société.  Pendant longtemps, j’ai été l’un de ces collègues…

Google est-il vraiment ton ami ? 

Et puis un jour, je me suis aperçu que cette croyance reposait sur une vision très éculée du métier et qu’elle était devenue complètement anachronique à une époque où les élèves peuvent désormais vérifier en quelques secondes sur leurs smartphones si la date que vient de donner le professeur est correcte.

D’où la question suivante : qu’est-ce qui retient les élèves assis pendant des heures à écouter un professeur parler d’un sujet qui n’aura probablement aucune utilité directe pour leur avenir et dont il est possible de retrouver les principaux éléments en deux clics sur le Net ?

  1. Parce que c’est comme cela que leurs parents, que leurs grand-parents, que leurs arrière grand-parents… ont appris,
  2. Parce que l’école propose une progressivité des apprentissages que les élèves ne pourraient pas mettre en oeuvre en autonomie,
  3. Parce que c’est obligatoire pour évoluer dans le système scolaire et obtenir des diplômes nécessaires dans la poursuite de leur cursus,
  4. Parce que l’école est un lieu de sociabilité d’où les élèves ne repartent pas seulement avec des connaissances, mais aussi avec des compétences sociales et une formation citoyenne,
  5. Parce que pour un certain nombre d’élèves, « apprendre » est aussi synonyme de « plaisir ».

Pour ces derniers, le travail du professeur n’est pas très compliqué. Seul ou en groupe, avec un stylo ou un clavier, avec un prof ou un livre, ils ont envie d’apprendre ! C’est pour les autres que la tâche est plus ardue et qu’il devient parfois nécessaire de justifier l’utilité de l’école.

Or, depuis quelques années, le traditionnel « A quoi ça va me servir plus tard ? » est progressivement supplanté dans le Top 10 des complaintes de l’élève par le nouveau « Pourquoi j’apprendrais toutes ces définitions alors que Google est mon ami ?« .

L’enseignant est un ingénieur pédagogique 

Face à cette évolution de l’offre culturelle, le métier d’enseignant n’a guère d’autre choix que d’évoluer face au risque de se retrouver rapidement submergé par une vague numérique. Dans un contexte de réduction budgétaire permanent, les politiques publiques ne tarderont pas en effet à proposer des formations en ligne susceptibles de remplacer plusieurs centaines de professeurs si ces derniers ne s’emparent pas eux mêmes rapidement de ces outils.

L’un des meilleurs arguments de prévention contre ce tsunami numérique est probablement apporté par Bruno Devauchelle qui a récemment proposé le concept d’ « ingénierie pédagogique » pour qualifier le travail des enseignants :

En somme, il s’agit de rappeler que le fondement du métier ne repose pas uniquement sur la transmission des connaissances, mais sur la capacité à mettre en oeuvre des stratégies d’apprentissage et une scénarisation du cours adaptées à un environnement social, à un groupe classe plus ou moins cohérent, à l’heure du cours dans l’emploi du temps, à la réactivité des élèves… C’est-à-dire à une multitude de paramètres qu’il est impossible de modéliser et systématiser par l’intermédiaire d’une machine.

Vers un accompagnement plus efficace de l’élève

L’argument défensif ne suffit pas cependant car les ressources en libre-service existent  déjà et que nos élèves ne nous ont pas attendu pour s’en emparer.

Quand j’ai commencé à enseigner en lycée, j’ai d’abord été désemparé par des élèves qui se présentaient dans ma classe avec les cours du CNED ou d’autres organismes sur le bureau. Rapidement, je me suis pourtant aperçu qu’ils n’avaient pas forcément l’intention de me piéger ou de contester mon enseignement, mais plutôt qu’ils avaient compris que le cours du CNED leur permettait d’avoir une base solide en termes de connaissances, afin de mieux profiter du temps de classe pour me poser des questions d’éclaircissement ou d’approfondissement. Or, cette stratégie s’est avérée contre-productive pour ces élèves car une partie non-négligeable du temps en classe est utilisé pour la transmission des connaissances que leurs camarades n’avaient pas forcément acquises.

Dans le cadre de la PEPS, ce temps d’enseignement ex cathedra qui constitue aujourd’hui l’essentiel du temps de classe est réduit à sa portion congrue pour dégager du temps d’apprentissage. Or, cela nécessite pour l’enseignant d’adopter une posture qui pourra paraître naturelle à certains, mais beaucoup plus difficile à concevoir pour d’autres.

  1. D’abord, il faut apprendre à se taire en classe pour laisser les élèves se concentrer sur les activités, voire se tromper en leur laissant le temps de s’auto-corriger,
  2. Ensuite, il faut accepter de ne pas apporter le même enseignement à tous les élèves, mais à intervenir auprès de groupes, voire auprès d’individus, en fonction des difficultés rencontrées.
  3. Cela signifie aussi a contrario qu’il faut apprendre à gérer une multitude de groupes en repérant ceux qui sont en difficulté, tout en ne donnant pas l’impression aux autres qu’ils sont abandonnés.
  4. Enfin, il faut réussir à mettre tout le monde au travail en évitant que des élèves ne parviennent à se reposer systématiquement sur le groupe.

Tous ces éléments sont au cœur de la PEPS et justifient le rôle essentiel de l’enseignant dans la mise en oeuvre intelligente et efficace des ressources disponibles sur le web.

Pas de révolution pédagogique sans prof 

D’ailleurs, les premiers résultats de l’utilisation des MOOCs dans le supérieur et des capsules vidéo dans le secondaire tendent à montrer qu’il était illusoire d’imaginer que ces ressources pourraient constituer à elles seules une révolution pédagogique.

La vidéo est certes plus séduisante que le livre aux yeux de certains adolescents. Elle permet parfois de réveiller la motivation des élèves… mais devient complètement inutile si l’enseignant n’est pas présent à toutes les étapes du processus d’apprentissage pour expliquer les consignes, fixer le calendrier de progression, débloquer des incompréhensions, ou bien proposer des exercices d’entraînement adaptés au niveau de chaque élève.

Comment gérer la fracture numérique ?

L’intégration d’outils numériques dans la progression pédagogique renforce-t-elle les inégalités ? La classe inversée doit-elle être réservée à des établissements privilégiés bénéficiant d’un fort taux d’équipement, ou bien d’élèves déjà équipés ? Ces questions sont importantes et méritent d’être posées car elles sont récurrentes. Néanmoins, elles témoignent à mon sens d’une inversion du problème.

La fracture numérique est une réalité aussi tangible que la fracture sociale. Ce n’est pas pour autant que l’école républicaine française a décidé d’abandonner l’éducation des  plus modestes. Au contraire, c’est une des fiertés du système scolaire français de continuer à faire fonctionner autant que faire se peut l’ascenseur social.

Non seulement la PEPS s’inscrit dans cette logique, mais elle entend également la renforcer !

Blackboard-Brooch

D’abord, il convient de relativiser les chiffres de la fracture numérique.

La dernière enquête du CREDOC sur la diffusion des technologies de l’information et de la communication dans la société française montre certes que 17% de la population française n’a pas d’ordinateur et que 23% n’a pas accès à Internet à domicile, mais :

  • 100% des 18-24 ans disposent d’un téléphone mobile et 78% l’utilisent pour aller sur Internet,
  • 99% des adolescents disposent d’un ordinateur à la maison et 63% d’entre-eux sont même multi-équipés.

A de rares exceptions, les adolescents qui sont dans nos classes sont donc équipés et utilisent quotidiennement les technologiques de l’information et de la communication (TIC). Ce que l’on appelle la fracture numérique apparaît en fait à partir du moment où ils quittent nos salles de classe plus ou moins diplômés :

  • 96 % des diplômés du supérieur possèdent un téléphone mobile, contre 70 % seulement des non-diplômés.
  • La moitié des diplômés du Bac et du supérieur ont l’usage d’un smartphone, mais seuls 30 % des titulaires du Bepc et 16 % des non-diplômés disent en posséder un,
  • 62 % des non-diplômés disposent à la fois d’une ligne fixe et d’un téléphone mobile, contre 89 % des personnes issues de l’enseignement supérieur,
  • quasiment tous les diplômés du supérieur ont un ordinateur chez eux (97 %), contre une personne sur deux parmi les non-diplômés (51 %),
  • 52 % pour les non-diplômés ont une connexion Internet à domicile contre 95 % pour les diplômés du supérieur.

Il serait réducteur d’affirmer que seuls l’équipement et la maîtrise des TIC justifient ces différenciations entre diplômés et non-diplômés. Néanmoins, cet élément ne peut pas être non plus totalement écarté et c’est pourquoi l’usage des TIC dans l’apprentissage doit faire l’objet d’une réflexion.

Blackboard-Brooch

Comme le montrent les chiffres ci-dessus, la très grande majorité de nos élèves sont équipés pour suivre un apprentissage utilisant les TIC. Que faire cependant pour intégrer, sans discriminer, un élève qui n’aurait pas d’ordinateur de connexion à la maison ? 

  1. Faire le bilan numérique de la classe : lors de la première heure de cours, je fais remplir une fiche à mes élèves pour savoir s’il disposent d’un ordinateur personnel / familial, d’une connexion Internet, d’une imprimante et d’un smartphone connecté. Cela me permet de dresser le profil numérique de ma classe et d’évaluer les possibilités pédagogiques dans ce domaine au cours de l’année.
  2. Faire le bilan numérique de l’établissement : je présente ensuite les équipements et leurs modalités d’accès au sein de l’établissement (salles informatiques en libre accès, salles d’étude équipées d’ordinateurs, Internat, CDI, etc.). Cela me permet d’expliquer aux élèves que je n’exige pas d’eux d’être équipés, mais qu’ils ne pourront pas utiliser cet argument pour ne pas faire le travail demandé.
  3. Fixer des règles et délais de travail précis : s’il n’était jadis pas possible d’aller vérifier l’estomac du chien qui mangeait systématiquement les devoirs de Paul, il ne sera pas non plus possible de vérifier que l’ordinateur ou la connexion de Pierre est bien tombée en panne au moment de réaliser l’exercice en ligne. Or, force est de constater qu’à partir du moment où j’ai commencé à donner du travail en ligne, une mystérieuse force tellurique s’est abattue sur l’espace proche de mon établissement, faisant régulièrement bugger les ordinateurs de la région. Au bout de quelques mois, je me suis contraint à donner systématiquement une semaine de délai pour toute activité à réaliser en ligne en précisant que je n’accepterai plus aucune excuse puisqu’il est de la responsabilité des élèves d’anticiper une éventuelle faille technique pour se tourner  vers le matériel mis à la disposition dans l’établissement. Depuis, les fabricants de matériel informatique et les fournisseurs d’accès à Internet semblent avoir magiquement trouvé une solution au problème des pannées à répétition…