Des classes inversées à la pédagogie participative et sociale :
L’école au défi des compétences du XXIe siècle
Le principe de la “conférence inversée” consiste à renverser la posture magistrale généralement induite par une conférence en demandant aux participants de consulter en amont une série de documents et à faire remonter leurs questions qui constitueront la structure de l’intervention.
Les questions peuvent être transmises par mail (confinversee@outlook.fr) ou bien via le compte Twitter @MIL_Bertrand avec le mot-dièse #CliseDijon
Abstract
“Les cours à la maison et les devoirs en classe ?” “Du face-à-face au côte-à-côte ?” “De simples cours en vidéo ?” Que sont au juste les “classes inversées” dont on entend si souvent parler ?
Cette conférence-inversée a pour objectif de vous d’apporter quelques éléments de réponse en essayant de vous donner les clefs pour construire non pas UNE mais VOTRE classe inversée.
Mickaël BERTRAND est professeur d’histoire, géographie, Education Morale et Civique au lycée Anna Judic de Semur-en-Auxois. Il est également formateur, tuteur, et administrateur de l’association Inversons la Classe !
Atelier 1 : Les formulaires numériques, un outil pour accompagner vos élèves dans l’acquisition des connaissances
GoogleForms et FramaForms vous permettent de créer des questionnaires numériques afin d’accompagner l’acquisition de connaissances en autonomie par les élèves.
En fonction des réglages choisis et de vos objectifs pédagogiques, vous pouvez permettre à vos élèves de coopérer, de bénéficier de plusieurs tentatives pour répondre, de recevoir une correction automatique, etc.
Avant le cours, l’analyse des résultats statistiques vous permet d’adapter au mieux votre enseignement aux réponses de vos élèves afin de remédier plus efficacement en classe aux éventuelles difficultés rencontrées.
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Atelier 2 : Plickers, un outil pour évaluer rapidement l’acquisition de connaissances
Plickers est une application qui vous permet de réaliser des quiz et des sondages en classe avec un smartphone ou une tablette, sans nécessité d’équipement pour les élèves. Simple et efficace, elle vous permet :
d’évaluer les connaissances acquises grâce à une activité préparatoire ou à l’issue d’une séance de cours ;
de réaliser un sondage ou une évaluation diagnostique permettant d’introduire une séance.
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Atelier 3 : Les “classes inversées” dans l’enseignement de compétences linguistiques
Formateur : Cathia GAÏTA, professeur d’anglais et formatrice académique
Présentation d’exemples pour une mise en oeuvre des classes inversées dans l’enseignement du français et des langues étrangères.
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Atelier 4 : Les “classes inversées” pour développer l’autonomie et le travail en équipes
Formateur : Julien CREMOUX, professeur des écoles
Présentation de la mise en oeuvre d’une classe inversée en CM1/CM2 (cycle 3) permettant de réfléchir à l’organisation de la différenciation pédagogique par l’intermédiaires d’ateliers tournants dans le temps, mais aussi à la gestion de l’autonomie des élèves par l’intermédiaire du plan de travail, des gammes et des ceintures.
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Atelier 5 : Mettre en oeuvre une “classe inversée” durant son année de stage, mission impossible ?
Formateur : Baptiste RAMEAU, professeur d’histoire, géographie, EMC et ancien professeur-stagiaire à l’ESPE de Dijon en 2016-2017
Comment lever l’ ”auto-censure” et essayer d’autres pratiques pédagogiques pour diversifier les situations d’apprentissage ?
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Cette journée de formation s’inscrit dans le cadre de la #CLISE2018 (semaine de la classe inversée)
Source de stress tant pour les élèves que pour les enseignants, les évaluations occupent une place centrale dans le système éducatif français. Encore très majoritairement associées à des notes et des moyennes, ces évaluations sont aujourd’hui utilisées à des fins qui sont parfois très éloignées de leur esprit initial. Selon les circonstances, on les mobilise en effet autant pour mesurer l’acquisition de connaissances, que la maîtrise de compétences, voire pour se prononcer sur une orientation, et parfois même porter un jugement sur la qualité du travail d’un enseignant et l’efficacité d’une réforme de l’éducation.
De l’élève aux parents, en passant par l’enseignant et l’administration, l’évaluation ne laisse en tout cas personne indifférent et mérite donc qu’on y accorde toute notre attention en espérant pouvoir en limiter les effets néfastes (démotivation, sentiment d’injustice, décrochage…), et au contraire en tirer tous les bénéfices en termes d’accompagnement dans les apprentissages.
Plan de l’article
Les problématiques rencontrées
Les pistes de solutions pour gagner du temps
Abandonner “les devoirs à la maison” au profit d’activités préparatoires non-discriminantes
L’évaluation automatisée
Abandonner les évaluations notées en cours de formation au profit de véritables évaluations formatives
L’évaluation par les pairs
Les outils numériques
Les pistes de solutions pour gagner en efficacité
L’auto-évaluation
L’évaluation de confiance
Pour une évaluation véritablement différenciée
Vers une application de suivi des élèves
Cahier des charges
Principales fonctionnalités
Conclusion
Orientations bibliographiques
I. Les problématiques rencontrées
Bien que les pratiques en termes d’évaluation ne soient pas homogènes (en fonction des niveaux, des disciplines et des enseignants), quelques problématiques communes reviennent régulièrement dans la littérature sur le sujet :
Comment éviter d’entretenir, voire de renforcer par notre système d’évaluation des inégalités socio-scolaires déjà tellement criantes au sein de l’école ? Le rapport sur l’état de l’école publié chaque année par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) montre à quel point les inégalités sociales et territoriales entre les élèves persistent dans notre système éducatif, à un niveau d’ailleurs bien supérieur aux autres pays de l’OCDE.
Comment mobiliser l’évaluation au service de la lutte contre le décrochage scolaire ? Le cercle vicieux des mauvaises notes est en effet considéré comme l’un des facteurs prépondérants de la baisse de motivation chez les élèves potentiellement décrocheurs qui, à force de s’entendre répéter qu’ils n’ont pas les bases leur permettant de progresser, finissent par abandonner.
Comment parvenir à se détacher d’une évaluation trop souvent calquée sur le modèle des examens alors que les instructions officielles nous invitent à évaluer en cours de formation bien d’autres compétences que celles mobilisées lors de ces épreuves certificatives ?
Comment fournir des appréciations plus denses et plus objectives (sur les copies, sur les bulletins, sur le livret scolaire) qui ne soient pas vécues par les élèves comme une sanction, ni comme un jugement, mais comme un outil au service des apprentissages et de la progression des élèves ?
Comment réduire le temps de travail fastidieux consacré à l’évaluation/notation des élèves au profit d’activités permettant la mise en oeuvre d’un véritable accompagnement dans le processus d’apprentissage ? Combien d’enseignants, après avoir vu les élèves ranger leur copie au fond du sac en jetant un simple coup d’oeil à la note, ont en effet été tentés de raccourcir leur temps de correction en s’épargnant la rédaction des commentaires dans la marge ? Combien d’élèves ont ainsi raté de précieuses occasions de progresser ? Cette situation est d’autant plus désespérante que le temps de correction des copies représente en moyenne 14% du temps de travail des enseignants et peut même atteindre 15,7% du temps de travail pour les professeurs des disciplines littéraires et les sciences sociales.
II. Les pistes de solutions pour gagner du temps
Abandonner les “devoirs à la maison” au profit d’activités préparatoires non-discriminantes
Il s’agit d’un des dispositifs fondamentaux de ce qu’il convient désormais d’appeler la “classe inversée”.
Les études les plus récentes sur le travail personnel montrent en effet que les devoirs à la maison sont généralement peu rentables et renforcent les inégalités sociales entre les élèves dont les parents (ou un substitut rémunéré) peuvent assurer un suivi et les élèves qui se retrouvent seuls le soir face à leur cahier et leurs difficultés. Le travail à la maison est par ailleurs souvent mal vécu par les élèves et leurs parents car il est souvent source d’angoisse, voire de conflits au sein de la sphère familiale qui aura tendance à en faire porter la responsabilité sur l’école.
Cela ne signifie pas cependant qu’il faille abandonner toute forme de travail personnel, mais uniquement celui qui pourrait mettre en difficulté l’élève lorsque le professeur n’est pas à ses côtés pour l’accompagner. Cela revient concrètement à abandonner les exercices d’application des compétences qui composent très majoritairement les “DM” évalués.
A l’inverse, on peut judicieusement remplacer ces devoirs à la maison par des “activités préparatoires” de bas niveau cognitif qui ont le mérite de responsabiliser les élèves dans la construction et l’avancement du cours, tout en libérant du temps de transmission des connaissances en classe au profit d’activités cognitivement plus exigeantes et souvent bien plus intéressantes pour les élèves.
Concrètement, je demande par exemple à mes élèves de Seconde de regarder une courte vidéo sur les Grandes Découvertes en complétant un questionnaire qui me permet de les accompagner dans l’acquisition des connaissances essentielles du cours. Après m’être assuré de la maîtrise de ces éléments en début de séance et avoir répondu à d’éventuelles questions, il nous est alors possible d’envisager ensemble une tâche complexe (de préférence différenciée) centrée autour d’un aspect plus précis des connaissances et/ou de compétences particulières.
Si les activités préparatoires ne sont pas systématiquement notées, la plupart des élèves le demandent car ils les réalisent généralement avec beaucoup de sérieux et comprennent rapidement l’intérêt d’une telle démarche.
L’évaluation automatisée
Lorsqu’il est mis au service de la pédagogie, le numérique constitue un moyen extraordinaire pour gagner du temps de correction, notamment dans le cadre de l’évaluation de l’acquisition des connaissances. Les dizaines de milliers d’enseignants qui utilisent désormais quotidiennement Google Formulaire ne s’y sont pas trompés. Que ce soit pour l’évaluation des “activités préparatoires” ou pour le contrôle des connaissances en fin de séquence, l’utilisation d’un questionnaire en ligne permet d’économiser des centaines d’heures de correction et des kilos de papier.
Précisons en préalable aux esprits les plus réfractaires qu’il ne s’agit en aucun cas de remplacer toutes les évaluations par des questionnaires à choix multiples (QCM). A l’inverse, il serait absurde de s’en passer lorsque cela peut permettre de gagner à la fois en temps et en efficacité.
Encore faut-il néanmoins avoir réfléchi au préalable à cet outil pour en cerner les potentialités et les limites pédagogiques. Par exemple, l’utilisation d’un QCM permet d’aller beaucoup plus loin qu’une simple récitation pour vérifier la maîtrise d’une notion car il permet, en modifiant la formulation, de distinguer l’élève qui a appris par coeur une définition sans la comprendre de l’élève qui a véritablement compris la notion et est en mesure de la réinvestir dans d’autres contextes. Le QCM possède néanmoins des limites intrinsèques telles que la place du hasard (dont la signification statistique devient néanmoins de plus en plus négligeable quand le nombre des questions augmente).
Le tutoriel ci-joint permet de découvrir les principales fonctionnalités de Google Formulaire et du module complémentaire Flubaroopermettant d’obtenir un tableau statistique des résultats de l’évaluation :
Abandonner les évaluations notées en cours de formation au profit de véritables évaluations formatives
La plupart des enseignants ont appris à distinguer l’évaluation sommative de l’évaluation formative. Si la première est généralement placée en fin de séquence afin d’établir un bilan de la somme des acquis à l’issue d’une phase d’apprentissage, la seconde s’inscrit dans le processus de formation, à un moment où l’élève peut mobiliser différentes ressources, travailler en équipe, prendre davantage de temps, etc.
Cependant, puisqu’elles portent le nom d’ “évaluations”, ces activités font très souvent l’objet d’une notation par les enseignants qui l’utilisent d’ailleurs parfois comme un moyen de s’assurer que l’exercice est réalisé avec suffisamment de sérieux par les élèves. Ces derniers l’acceptent d’autant plus volontiers qu’ils considèrent ces exercices comme une forme de rattrapage d’éventuelles mauvaises notes en évaluation sommatives (qu’ils appellent généralement les “contrôles”).
Sauf qu’en utilisant l’évaluation formative dans cette perspective, on minimise fortement son objectif initial, à savoir celui d’accompagner le processus d’apprentissage en apportant aux élèves un retour d’informations sur leur production favorisant la confiance et la motivation nécessaires au dépassement de leurs erreurs.
Même si l’enseignant explicite systématiquement la différence entre une évaluation sommative et une évaluation formative, même s’il applique des coefficients différents à ces activités respectives, il n’en demeure pas moins qu’aux yeux des élèves et de leurs parents, l’évaluation reste une évaluation tant qu’elle est notée ! Par conséquent, elle demeure stratégiquement une évaluation susceptible d’augmenter une moyenne qui, à la fin du trimestre, sera de toute façon l’élément principal pris en compte lors du conseil de classe.
C’est pourquoi il me semble judicieux de réfléchir à l’utilisation des évaluations formatives pour se libérer progressivement des notes. S’il n’est en effet pas encore possible de s’affranchir administrativement des notes (dont la docimologie a pourtant montré depuis longtemps les limites), une désintoxication en douceur est envisageable afin de ne pas trop brusquer les élèves et leurs parents qui sont souvent les plus attachés à cette échelle. Comme le précise Alain DIGER, doyen des inspecteurs pédagogiques de l’académie d’Orléans-Tours et instigateur d’une expérimentation en cours sur l’évaluation, l’objectif n’est pas “de faire disparaître la note pour le plaisir de la faire disparaître, mais d’en promouvoir un usage raisonné pour renforcer la qualité des apprentissages”. La note sert en effet aujourd’hui “davantage aux élèves à se situer les uns par rapport aux autres qu’à identifier les points sur lesquels ils doivent concentrer leurs efforts pour progresser. Par ailleurs, la note, en exacerbant la compétition au sein de la classe, véhicule son lot de vainqueurs mais aussi de vaincus. Elle amplifie les inégalités scolaires et renforce le déterminisme social, des effets délétères dont le système éducatif français souffre exagérément” [TESTARD-VAILLANT, 2016].
Pour ce faire, il convient cependant de se doter de nouveaux outils permettant à l’élève de profiter au maximum de ces exercices afin d’engranger des conseils lui permettant de progresser et ainsi retrouver le sens originel d’évaluations résolument formatives.
L’évaluation par les pairs
Ce type d’évaluation connaît un renouveau depuis quelques années dans la dynamique des MOOC (massive open online course) qui rassemblent parfois plusieurs milliers de participants. Dans ces conditions, impossible d’envisager une correction traditionnelle des copies. Ce qui fonctionne (plus ou moins bien) dans le cadre de formations en ligne pour adultes n’est cependant pas directement transposable dans le cadre d’une salle de classe de l’enseignement primaire et secondaire.
Dans l’idéal, les concepteurs de MOOC demandent à leurs participants de corriger entre deux et cinq copies afin de favoriser la multi-correction et objectiver l’évaluation. Un tel système est néanmoins difficilement envisageable si les copies ne sont pas dématérialisées. De même, le contexte de la salle de classe n’est pas forcément favorable à ce genre de pratique. Les relations interpersonnelles risquent en effet de biaiser les corrections des élèves. Une procédure d’anonymisation des copies et des correcteurs serait donc bienvenue, ce qui demande encore une fois une organisation assez lourde.
Par conséquent, si l’évaluation par les pairs peut permettre de gagner beaucoup de temps à l’enseignant et constituer un exercice formateur pour les élèves, elle nécessite une procédure précise qui ne peut pas être improvisée. Des idées intéressantes peuvent notamment être empruntées chez les praticiens de la Twictée où l’évaluation ne donne pas nécessairement lieu à une note, mais pour laquelle les élèves-correcteurs sont chargés d’identifier des types d’erreur, puis de proposer des “Twoutils” permettant de corriger la production initiale. Ainsi, l’élève-producteurs et l’élèves-correcteur ne sont plus seulement dans un rapport d’évaluation, mais bien dans une démarche collaborative d’apprentissage.
Les outils numériques
Si les outils numériques permettent de gagner beaucoup de temps dans le cadre d’évaluations automatisées (cf. développement ci-dessus), ils peuvent également s’avérer tout aussi efficaces dans le cadre d’évaluations nécessitant des réponses complexes et rédigées par les élèves, mais aussi des appréciations tout aussi développées de la part du correcteur.
Depuis quelques années, avec notamment le développement d’assistants personnels intelligents tels que Siri ou Cortana, les solutions de reconnaissance vocale se sont largement démocratisées. Google Doc propose par exemple un outil gratuit appelé “Saisie vocale” tout à fait convaincant. Si vous souhaitez néanmoins utiliser un outil encore plus performant, il est possible d’investir quelques dizaines d’euros dans la gamme Dragon Naturally Speaking de Nuance qui permet de personnaliser l’outil à votre voix ainsi qu’à votre style d’écriture et donc améliorer ses performances au fur et à mesure des utilisations.
Grâce à ce logiciel, terminé les commentaires gribouillés dans la marge ! Il suffit désormais de lire la copie et de la commenter oralement en vous contentant d’ajouter progressivement des numéros en face des éléments corrigés.
Après deux années de pratique, cette technique m’a non seulement permis de diminuer sensiblement le temps de correction des travaux d’écriture, mais je me suis également rendu compte que j’étais beaucoup plus précis et disert dans mes commentaires, formulant ainsi plus facilement des conseils et des propositions de reformulation à mes élèves.
Une fois la correction terminée, selon l’équipement de vos élèves, vous pouvez :
Envoyer la fiche d’évaluation aux élèves par mail,
Imprimer la fiche d’évaluation et la glisser dans la copie.
Dans le cas de copies rédigées directement sur un logiciel de traitement de texte (qu’il s’agisse de Google Doc, Word ou bien OpenOffice Writer selon l’équipement personnel des élèves ou des salles informatiques de l’établissement), il est également possible d’aller encore plus loin car tous ces outils sont désormais dotés de solutions de commentaires intégrés. Il n’est donc plus nécessaire de distinguer la copie de la fiche d’évaluation et vous pouvez directement dicter vos commentaires qui apparaîtront sous la forme de capsules en marge de la production des élèves. Par ailleurs, dans le cadre d’une évaluation formative, les élèves peuvent répondre à vos commentaires afin d’améliorer progressivement leur travail :
III. Les pistes de solutions pour gagner en efficacité
Si les dispositifs précédents visaient avant tout à gagner du temps dans l’activité fastidieuse de correction, ils ne sont pas dénués d’ambition pédagogique. Que ce soit pour l’évaluation automatisée, l’abandon de la notation pour les évaluations formatives, l’utilisation d’un outil de reconnaissance vocale… l’objectif principal reste de mettre l’évaluation au service des apprentissages.
En effet, comme le rappelle Renald LEGENDRE dans son Dictionnaire actuel de l’éducation : “Évaluer, c’est comprendre, éclairer l’action de façon à pouvoir décider avec justesse de la suite des évènement”. Il s’agit donc bien d’une action qui ne se limite pas à contrôler la maîtrise de connaissances et compétences à un moment donné, mais bien d’une activité essentielle inscrite dans un processus d’apprentissage permettant non seulement de valider une étape, mais aussi toujours de préparer la prochaine.
C’est dans cette perspective que les solutions suivantes ont été pensées.
L’auto-évaluation
L’auto-évaluation peut être entendue dans plusieurs sens.
Le premier qui vient à l’esprit est souvent celui qui consiste à demander à l’élève lui-même d’évaluer sa production avant que l’enseignant ne le fasse. L’intérêt pédagogique d’une telle pratique consiste à inviter l’élève à porter un regard critique sur son travail en espérant lui faire prendre conscience des éventuelles limites de sa préparation. Si cela fonctionne parfois, il n’est cependant pas rare d’être confronté à des remarques déconcertantes d’élèves sur lesquelles l’enseignant aura bien du mal à rebondir : “Je n’ai pas assez travaillé”, “Je n’avais pas compris cette partie du cours” ou encore “J’avais fait l’impasse sur cette question”. Que répondre alors d’autre sinon : “Il faudra davantage travailler la prochaine fois”…
La seconde acception de l’auto-évaluation consiste à anticiper cette difficulté en demandant à l’élève de préparer lui-même son évaluation en proposant des questions et des exercices en amont. L’objectif consiste alors à le faire réfléchir sur les connaissances et les compétences attendues à l’issue d’une séquence. Cette pratique a non seulement le mérite de responsabiliser l’élève dans une démarche de co-construction des apprentissages, mais elle permet aussi de dédramatiser l’évaluation encore trop souvent vécue par certains élèves comme un piège qui serait tendu par des professeurs animés d’une constante et macabre volonté d’utiliser leur stylo rouge.
Encore faut-il trouver ensuite le bon dosage entre l’évaluation complètement préparée en amont qui risquerait ensuite de se transformer en épreuve de récitation en classe d’un devoir préparé à la maison et l’auto-évaluation qui permet de rappeler les connaissances et compétences susceptibles d’être évaluées tout en conservant une part de surprise dans le sujet donné. Tout dépend alors du niveau de classe, du degré d’autonomie et de l’avancement dans la formation des élèves.
L’évaluation de confiance
Beaucoup trop d’élèves vivent mal les évaluations et accumulent les échecs car ils ne comprennent pas leurs notes. Ceci est d’autant plus vrai dans les évaluations des tâches complexes pour lesquelles les élèves sont parfois incapables d’expliquer pourquoi ils ont obtenu 12/20 quand leur voisin n’a eu que 7/20. Comment dans ces conditions espérer les faire progresser ?
Force est de constater d’ailleurs qu’il est parfois difficile à un enseignant lui-même de justifier avec précision qu’il ait mis un point plutôt que deux à une question notée sur 3. L’expérience de l’examinateur probablement… Sauf que c’est justement cet élément implicite qui manque à l’élève pour savoir comment passer la prochaine fois de 1 à 2, voire ensuite de 2 à 3. D’où le sentiment d’injustice dramatique qui conduit au découragement des élèves : “De toute façon, avec lui, je n’aurai jamais la moyenne !”
Expliciter ses critères d’évaluation, c’est aussi un acte de formation ! C’est une tâche certes exigeante et chronophage, mais indispensable. Cela implique d’être en mesure pour un enseignant de s’interroger sur les moyens à acquérir pour répondre à un exercice et donc par conséquent d’être en mesure de les expliciter aux apprenants et d’en faire des objectifs d’apprentissage précis. Qu’il s’agisse de dispositifs par niveaux ou par ceintures, ces outils se multiplient actuellement dans les salles de classe mais entraînent des difficultés matérielles pour en assurer le suivi.
Pour une évaluation véritablement différenciée
Dans un système éducatif parfait, l’élève pourrait avancer à son rythme et n’être évalué que lorsqu’il est prêt. Si de telles expérimentations existent à l’école primaire où la gestion du temps de classe et des élèves est plus souple, dans la réalité de la plupart des classes du secondaire, il faut avancer le programme et bien souvent enchaîner les chapitres et notions à un rythme effréné.
A défaut de pouvoir revenir sur les connaissances d’un chapitre à l’issue d’une évaluation de connaissances, il devrait pourtant être envisageable d’étirer davantage le temps d’apprentissage des compétences que l’on sait indispensables pour la construction des savoirs à venir. Ainsi, on pourrait probablement éviter d’accumuler les lacunes années après années dans un système actuellement découpé en niveaux de classe où l’élève n’est pas obligé de maîtriser toutes les compétences exigées pour passer à la classe supérieure, mais où les enseignements ultérieurs reposeront bien quant à eux sur des bases supposées acquises.
Encore une fois, pour ce faire, il convient de se doter d’un véritable outil qui permette à l’élève de ne pas refermer sa copie en essayant de se persuader que le prochain devoir sera un nouveau départ, mais qui lui permette plutôt de se fixer des objectifs précis à travailler jusqu’à la prochaine évaluation dans un esprit de progression permanent.
Telles sont les ambitions de l’application de suivi des élèves…
IV. Vers une application de suivi des élèves
Afin de mettre en oeuvre les dispositifs d’évaluation évoqués précédemment, de nouveaux outils sont nécessaires. La généralisation des évaluations par compétences à l’école primaire et au collège a été accompagnée de la multiplication des applications permettant d’en suivre l’avancement. Les espaces numériques de travail (ENT) proposent quasiment tous leur solution et des logiciels complémentaires tels que SACoche sont désormais largement diffusés. Et pourtant, aucun de ces outils n’est parvenu à me convaincre après plusieurs mois de recherche, d’essais, et de bricolage.
D’où cette proposition mise à la disposition des collègues qui voudront s’en emparer, dans l’attente d’un éditeur susceptible d’en proposer une version encore plus fonctionnelle, ergonomique et adaptable. Les principales fonctionnalités de cet outil sont en effet pensées pour une utilisation dans le cadre d’un enseignement d’histoire-géographie en lycée, mais elles peuvent aisément être adaptés à d’autres cycles et disciplines.
Cahier des charges
Au fur et à mesure des essais sur les différents outils existants, j’ai construit une liste des fonctionnalités qui me semblent indispensables à la mise en oeuvre d’un système d’évaluation positive et participative.
Simple, ergonomique et accessible
L’outil doit être utilisable à la fois par l’enseignant, ses élèves, mais aussi les parents ;
Il doit permettre une identification simple et rapide (à partir d’une simple adresse mail, mais aussi des réseaux sociaux) ;
Il doit pouvoir être consulté et modifié autant sur PC, que sur tablette et smartphone ;
Il doit donner la possibilité aux utilisateurs de recevoir une notification (ou bien un mail) à chaque modification de son tableau de bord ;
Il doit être gratuit.
Ludique, interactif et collaboratif
Il doit permettre à l’élève et à ses parents d’identifier rapidement et facilement les points forts et les axes de travail d’un élève à l’aide de tableaux, graphiques et couleurs ;
Il a pour ambition de devenir un outil central dans la communication entre l’enseignant, l’élève et ses parents. Par conséquent, bien que l’enseignant soit le seul à bénéficier de droits d’écriture, les élèves et les parents doivent pouvoir ajouter facilement des commentaires ;
Il est notamment utilisé pour mieux différencier les apprentissages et ainsi aider l’élève et l’enseignant à adapter les évaluations en fonction du parcours de chacun ;
Par ailleurs, il doit pouvoir être utilisé par l’enseignant comme un véritable outil de diagnostic le plus objectif possible lui permettant de préparer les bulletins et conseils de classe.
Évolutif
Il doit être en mesure de s’adapter au parcours d’apprentissage individuel de chaque élève ;
Il a d’ailleurs pour ambition d’aider les élèves et leurs parents à prendre conscience de la progression des compétences et résultats au fur et à mesure de l’année afin de lutter contre le sentiment de dévalorisation qui précède le décrochage scolaire ;
Il est également possible de conserver cet outil sur plusieurs années pour permettre de suivre l’évolution des compétences d’un élève non seulement sur une année, mais aussi à l’intérieur d’un cycle ;
Enfin, il a pour ambition d’être suffisamment malléable pour être adapté par d’autres collègues, dans d’autres disciplines et avec d’autres compétences, en modifiant simplement et rapidement quelques paramètres.
Présentation des principales fonctionnalités de la version bêta
Seul l’enseignant possède des droits d’écriture sur le fichier, mais l’élève et ses parents ont la possibilité d’y collaborer en ajoutant des commentaires directement sur le fichier (l’enseignant reçoit alors un courriel automatique l’informant d’une modification apportée au fichier).
Ce fichier est composé de plusieurs onglets :
La feuille de synthèse constitue la page principale. Elle se présente sous la forme d’un tableau de bord de l’élève qui permet d’identifier rapidement (à l’aide de graphiques et tableaux) les points forts et les axes de travail de l’élève. Toutes les informations sont automatiquement mises à jour à partir des informations recueillies sur les autres feuilles au fil des évaluations.
On y trouve notamment :
Un graphique de suivi des activités préparatoires ;
Un graphique de suivi des évaluations de connaissances ;
Un graphique de suivi des compétences liées aux exercices type-bac (composition et étude critique de documents dans le cadre de cette fiche de suivi créée pour l’histoire-géographie en niveau lycée) ;
Un graphique de suivi des autres compétences travaillées en classe ;
Un graphique représentant le nombre d’activités de remédiation et de valorisation réalisées (avec un objectif ciblé de 10 activité par trimestre).
Un tableau de synthèse des appréciations trimestrielles. Quelques jours avant le conseil de classe, chaque élève est en effet invité à compléter ce tableau en analysant lui-même ses résultats. Une discussion peut alors s’engager avec l’enseignant afin de proposer une appréciation co-construite et ainsi mieux comprise et acceptée par l’élève.
La feuille de suivi des évaluations des activités préparatoires permet d’identifier rapidement les résultats chiffrés et automatisés des activités préparatoires réalisées en autonomie. S’agissant d’activités notées, la note de l’élève est systématiquement associée à la moyenne du groupe. Une colonne “remarques” permet de commenter ponctuellement ces résultats afin de féliciter l’élève ou lui conseiller des activités de remédiation.
La feuille de suivi des évaluations de connaissances fonctionne exactement sur le même principe que la feuille précédente.
La feuille de suivi en cours de formation permet de mettre en oeuvre les principes de l’évaluation formative développés précédemment dans cet article. Il s’agit d’assurer un suivi des exercices et activités réalisées en cours de formation par l’élève afin d’atteindre ses objectifs individuels fixés entre chaque évaluation sommative. Nous conservons ainsi une trace du parcours d’apprentissage de chaque élève afin de l’accompagner au mieux dans sa progression. Il existe deux possibilités pour compléter ce fichier :
Directement par l’enseignant, en classe, qui peut ajouter des remarques au quotidien lorsqu’un élève réalise un exposé, s’investit particulièrement dans une activité ou à l’inverse se fait remarquer pour des bavardages, oublie son matériel…
Sur proposition de l’élève qui demande un exercice facultatif pour s’entraîner ou bien réalise une activité complémentaire (quiz de révision, fiche de synthèse sur une notion, plan détaillé de composition…) à mutualiser avec les autres élèves.
Les feuilles de suivi des évaluations par compétences sont les éléments qui nécessitent le plus d’adaptation d’une discipline à l’autre, voire d’un enseignant à l’autre. L’exemple disponible sur ce fichier bêta concerne la composition et l’étude critique de documents en histoire-géographie. Elles s’organisent de la façon suivante:
A chaque fois qu’un élève réalise une composition en situation d’évaluation sommative, sa production est corrigée à partir d’une grille de compétences qui lui permet de se situer sur une échelle à 3 niveaux (aussi appelées ceintures). Ainsi, il lui est possible de progresser étape par étape en fonction de son niveau de départ, en connaissance des critères d’évaluation, et en visualisant directement ce qui est attendu de lui pour atteindre le niveau suivant.
Pour valider un niveau, le professeur ajoute simplement le chiffre “1” et la case correspondante se colore automatiquement en vert. Lorsque le niveau n’est pas atteint, il lui suffit d’ajouter le chiffre “0” et la case se colore alors en rouge. La colonne “remarques et conseils” lui permet de commenter la copie au fur et à mesure de la lecture (notamment à l’aide d’un logiciel d’assistance vocale pour gagner encore plus de temps).
A l’issue de la correction, l’enseignant est invité à remplir un tableau de synthèse pour guider la rédaction de son appréciation générale (points forts, limites, objectifs pour la prochaine évaluation…).
Il peut alors soit imprimer ce document (format A4) afin de le glisser dans la copie de l’élève, soit l’envoyer directement par mail à l’élève.
Il convient également de noter l’existence d’un quatrième niveau de compétence qui n’est pas défini à l’avance par l’enseignant mais qui peut permettre à des élèves de dépasser les attentes d’un niveau de Terminale et ainsi les inviter à faire preuve d’autonomie en leur laissant un espace de liberté pour approfondir leurs activités.
Enfin, une feuille de suivi des compétences par exercice permet de suivre l’évolution évaluation après évaluation et d’illustrer visuellement la progression de l’élève au fil des entraînements.
Cet outil a ensuite pour ambition d’être appliqué de la même façon pour d’autres exercices en fonction des disciplines et des niveaux de classe. Par ailleurs, une autre feuille permettra à l’élève de solliciter une validation d’autres compétences mentionnées dans les instructions officielles (pratique de l’oral, utiliser les TIC, mener à bien une recherche, etc…).
Conclusion
L’outil proposé est actuellement en phase de test. Un bilan de l’expérimentation sera réalisé d’ici quelques mois à partir de témoignages d’élèves et de parents afin d’en proposer une version plus élaborée. L’idéal serait cependant de pouvoir élargir l’expérimentation en proposant d’autres modèles de feuilles de suivi de compétences adaptées à un maximum de disciplines, de niveaux et d’exercices. N’hésitez pas à proposer et mutualiser les vôtres en me contactant via les réseaux sociaux ou bien en utilisant le formulaire de contact de ce blog.
Orientations bibliographiques
Laurent FILLION, “Évaluer par paliers : pourquoi ? Comment ?”, sur le blog Peut mieux faire, 6 juillet 2016 [consulté le 03 août 2016].
Stéphanie FIZAILNE, “Classe inversée : Évaluer pour mieux apprendre, in Le Café Pédagogique, 07 juillet 2015 [consulté le 03 août 2016].
François JARRAUD, “Clic 2016, Quand la classe inversée réinvente l’évaluation”, in Le Café Pédagogique, 07 juillet 2016 [consulté le 03 août 2016].
Lucie MOTTIER-LOPEZ, Évaluations formatives et certificative des apprentissages, Enjeux pour l’enseignement, Editions de Boeck, 2013.
Jean-Pierre NOSSENT, « Évaluation ou contrôle, repères pour l’éducation permanent », in Analyse de l’IHOES n° 63, 15 mars 2010 [consulté le 03 août 2016].
Georgette NUNZIATI, “Pour construire un dispositif d’évaluation formatrice”, in Cahiers Pédagogiques, n° 280, janvier 1990 [consulté le 03 août 2016].
Laurent LESCOUARCH, « Quelle évaluation pour quelle pédagogie ? », sur le blog Psychologie, éducation & enseignement spécialisé, septembre 2007, [consulté le 03 août 2016].
Olivier REY et Annie FEYFANT, “Evaluer pour (mieux) faire apprendre”, in Dossier de veille de l’IFE, n° 94, Septembre 2014 [consulté le 03 août 2016].
Philippe TESTARD-VAILLANT, “”Comment mieux évaluer le travail des élèves ?”, in CNRS, Le Journal, 18 mai 2016 [consulté le 03 août 2016].
Etant moi-même professeur d’histoire-géographie, je me suis concentré sur le recensement des ressources disponibles dans cette discipline. Le site est cependant à la disposition des collègues qui souhaiteraient constituer un outil similaire dans leurs disciplines respectives.
N’hésitez pas à me contacter en utilisant les réseaux sociaux mentionnés à droite de cet écran ou dans la rubrique « contact » du blog.
Depuis quelques années, les applications en ligne permettant de créer facilement et rapidement des exerciseurs se multiplient. Elles ne présentent cependant pas toutes les mêmes fonctionnalités et l’une des difficultés consiste désormais à choisir le bon outil en fonction de ses objectifs pédagogiques et de son matériel. La série d’articles rassemblés dans la catégorie « Quiz et exerciseurs » a pour ambition de vous aider dans ce choix.
Présentation générale
Education & Numérique est un projet français, collaboratif, gratuit, open source, sous licence Creative Commons… soit autant de raison préliminaires de soutenir cet outil porté par une association !
Mais le principal intérêt de cet outil consiste à proposer la construction d’activités guidées en plusieurs étapes.
Il ne s’agit donc pas d’un outil à utiliser lorsque vous voulez simplement proposer un QCM à vos élèves (Learning Apps est alors beaucoup plus simple), mais d’un outil qui vous permet de proposer à vos élèves de véritables parcours d’apprentissage :
mobilisant plusieurs ressources,
nécessitant plusieurs types d’activités (QCM, QRM, textes à trou, etc.)
mettant en œuvre une progressivité avec des ressources mises à la disposition de l’élève au fur et à mesure de son avancement.
Points forts
Gratuit
Un catalogue bien organisé permettant de trier les activités par discipline et par niveau, mais aussi de rechercher des activités par mots-clefs.
Une interface ergonomique et sans fioriture lors de la publication des activités.
Les activités peuvent intégrer de très nombreux médias (pièces-jointes, images, vidéos, sons…)
La possibilité de créer rapidement un parcours d’apprentissage simple.
Points faibles
Les types d’activités sont limités (QCM (une seule réponse possible), QRM (plusieurs réponses possibles), textes à trous, et « glisser-déposer ».
Une interface d’édition un peu complexe, pas toujours intuitive, qui demande de consulter les tutoriels lors de la prise en main.
Il n’est actuellement pas possible d’obtenir les résultats des élèves afin de les exploiter.
Une série de tutoriels a été créé pour expliquer la création de chaque type d’activité est également disponible dans le catalogue d’Éducation & Numérique.
C’est le podcast éducatif qui monte depuis quelques mois.
Animé par Régis Forgione, Fabien Hobart et Nicolas Durupt, Nipédu propose chaque semaine des émissions sur les questions d’éducation et de numérique qui rassemblent de plus en plus de P’Auditeurs.
C’était donc un véritable plaisir de pouvoir partager un moment avec eux afin de présenter quelques caractéristiques de la PEPS au milieu d’autres projets formidables croisés lors du Forum des Enseignants Innovants.
On attend avec impatience leur prochaine émission consacrée à la Semaine de la Classe inversée.
A cette occasion, les utilisateurs et les accompagnateurs de la #PEPS se sont mobilisés pour la création de ce poster qui sera présenté aux membres du jury :
Et je tiens tout particulièrement à remercier tous ceux qui ont accepté de témoigner dans le cadre de ce forum :
Dans un article publié le 24 octobre 2015, le professeur Lyonel Kaufmann dont je partage de nombreuses publications et réflexions, diffusait sur son blog une synthèse d’un article de Kris Shaffer sur le travail à la maison. Intitulé « Quand le BYOD et la classe inversée renforcent les inégalités scolaires », l’article s’est rapidement diffusé sur les réseaux sociaux et a suscité de nombreuses réactions sur le mode « AhAh, on vous l’avait bien dit !« .
Curieux d’en apprendre davantage sur cette nouvelle étude qui prétend balayer en quelques lignes l’une des caractéristiques de la #PEPS, j’ai pris le temps d’aller lire l’article de Kris Shaffer dans sa version originale.
Cette réflexion démarre sur une idée assez simple et largement partagée : tout travail à la maison est potentiellement producteur d’inégalités scolaires.
En effet, le moindre exercice réalisé en dehors de la salle de classe risque de mettre en difficulté une partie des élèves qui n’auront peut-être pas totalement assimilé les bases nécessaires à la réalisation de cette activité, ou bien n’auront même pas accès à un lieu pour travailler au calme. Dès lors, une différenciation peut apparaître entre les élèves encadrés par un parent (ou un professeur particulier rémunéré par les parents) et ceux qui ne bénéficient pas d’un soutien intellectuel et/ou logistique en dehors de l’établissement scolaire. Concrètement, Kris Shaffer rappelle que ces différences dans l’organisation du travail à la maison traduisent souvent une inégalité socio-économique entre les familles des élèves.
Mais l’auteur de cet article explique ensuite que cette création d’inégalité quasiment intrinsèque des systèmes scolaires est aggravée depuis quelques années par :
La pratique du BYOD (Bring your own device), c’est-à-dire la possibilité laissée aux élèves d’apporter leur propre matériel,
La pratique de la classe inversée (Flipped Classroom ou Inverted classroom).
Si les réflexions proposées par ce collègue sont intéressantes et méritent d’être débattues, les comparaisons triomphalistes rencontrées sur les réseaux sociaux par des professeurs soucieux d’enterrer la classe inversée avant même de lui avoir laissé le temps d’éclore me semblent prématurées.
Il convient en effet de noter que ce collègue enseigne la musique à l’université aux Etats-Unis. Les problématiques rencontrées sont dès lors difficilement transposables au contexte du secondaire en France. Quelques exemples précis dans son propos nous permettent d’ailleurs assez rapidement d’appréhender les limites d’une démarche comparative :
Le BYOD est évoqué comme une pratique quasiment naturelle qu’il ne prend d’ailleurs pas vraiment le temps d’expliquer. Son développement est en effet incomparable avec le modèle français où la question de l’équipement des établissements par l’Etat et les collectivités territoriales reste la règle, bien que des expérimentations peuvent être ponctuellement rencontrées.
La pratique du BYOD est d’ailleurs possible car les établissements scolaires américains sont généralement équipés d’un Wifi dans un contexte de développement de l’Internet bien différent du nôtre. Comme le rappelle Kris Schaffer, tous ses étudiants n’ont pas un accès similaire à une connexion Internet et certains peuvent rencontrer des difficultés pour regarder les vidéos transmises les soirs où la plateforme Netflix diffuse un nouvel épisode d’une série à succès. Aux Etats-Unis, les fournisseurs d’accès tentent en effet d’imposer progressivement une tarification différenciée en fonction du débit et du volume de données transmises tandis que, pour le moment en France, les abonnements d’Internet fixe sont relativement égalitaires. Concrètement, cela signifie que la plupart des élèves américains ont certes accès à Internet, mais qu’en fonction du forfait choisi par leurs parents, ils ne pourront pas forcément regarder une vidéo haute définition en ligne.
Dès lors, dans ce contexte précis, les inégalités scolaires peuvent en effet être renforcées par les inégalités socio-économiques.
Il convient cependant de préciser au terme de cette présentation que Kris Schaffer n’en a pas pour autant abandonné complètement la pratique de la classe inversée. Il l’a simplement pensé et adapté à son contexte pédagogique et matériel d’enseignement en proposant d’ajouter une nouvelle dimension à la traditionnelle taxonomie de Bloom qui n’avait à l’époque (les années 1950) pas vraiment les moyens d’anticiper une telle évolution.
C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles ce blog utilise assez rarement l’expression de « classe inversée » qui conduit souvent à des raccourcis réducteurs. La pédagogie participative et sociale n’est en effet pas seulement une mise en oeuvre de la classe inversée, mais une réflexion sur le potentiel offert par de nouveaux outils, ressources et pratiques, notamment pour lutter contre les inégalités produites actuellement par notre système scolaire. La pratique de la « classe inversée » n’étant finalement qu’un aspect parmi d’autres dans une démarche visant à discuter :
Des considérations matérielles qui doivent nous inviter à défendre un modèle d’équipement publique des établissements scolaires au regard de la situation de nos collègues américains,
Du travail à la maison qui reste nécessaire à un certain niveau de formation, mais qui doit être limité et réfléchi afin de ne jamais mettre en difficulté un élève qui n’aurait pas le soutien humain ou le matériel nécessaire,
Des ressources qui doivent être adaptées au contexte documentaire dans lequel nos élèves sont immergés,
Des outils qui doivent aussi être adaptées au contexte culturel et social dans lequel vivent nos élèves, mais qui peuvent aussi fournir de nouvelles pistes pédagogiques et technologiques pour lutter contre les inégalités scolaires véhiculées par notre système depuis plusieurs décennies.
Par conséquent, la « classe inversée » peut certes renforcer les inégalités scolaires, mais seulement si elle n’est pensée que sous l’angle d’une modernisation technique des pratiques ancestrales qui renforcement les différenciations socio-économiques. A l’inverse, on peut aussi considérer son formidable potentiel pédagogique et considérer que ces nouvelles méthodes, ressources et outils permettront peut-être de répondre enfin à l’un des principaux défis de l’enseignement.
Le sujet est pour le moins sensible. Aborder la question matérielle invite bien souvent à évoquer celle des promesses électorales d’équipement non tenues, des inégalités gigantesques entre établissements, voire entre équipes au sein d’un même établissement, mais aussi de la maintenance qui fait bien souvent défaut et qui conduit de nombreux collègues à abandonner progressivement les salles informatiques.
Ce sentiment de frustration est d’ailleurs entretenu par les médias, y compris spécialisés dans le domaine de l’éducation, qui n’ont de cesse de vanter les dernières technologiques innovantes et les applications à la mode. Or, les problématiques rencontrées sur le terrain sont très éloignées de ces expériences qui relèvent souvent davantage de la vitrine technologique que de l’exercice pédagogique. Il suffit d’ailleurs pour s’en convaincre d’observer attentivement les bannières publicitaires ou placements de produits dans les articles et reportages sur ces pratiques innovantes pour se rendre compte qu’il s’agit souvent d’une discrète opération de communication commerciale en réponse à un équipement assurée par une entreprise.
Des difficultés latentes sur le terrain
Concrètement, la majorité des collègues est confrontée à différentes limites et difficultés latentes qui ont été particulièrement bien résumées par Jean-Loup BOURRISSOUX dans cet article de Maryline Baumard sur le blog Education du journal Le Monde :
L’acquisition d’un matériel inadapté, voire incompatible, à l’enseignement par des collectivités territoriales qui réalisent un investissement d’affichage politique à destination des parents-électeurs, mais qui ne prennent pas toujours le temps de consulter les équipes éducatives.
L’équipement presque exclusif des salles de classe, mais très rarement des enseignants qui sont pourtant censés être les premiers à utiliser ce matériel pour préparer leurs cours avant de former leurs élèves à les utiliser. Une fois plongé dans le système, on oublie en effet un peu trop souvent que l’Education nationale est l’un des rares milieux professionnels où l’intendance éclate en fou rire (quand elle nous vous accuse pas de vol) lorsque vous venez demander un stylo et des feuilles pour travailler… alors vous imaginez bien un PC ou une tablette !
La formation initiale et continue des enseignants dans ce domaine est encore bien faible. Un module de formation devrait accompagner systématiquement l’installation de nouveau matériel dans un établissement, au risque de le voir prendre la poussière pendant des mois comme cela est hélas trop souvent le cas.
Une fois dépassées ces difficultés initiales (c’est-à-dire quand l’enseignant s’est acheté son propre matériel, qu’il s’est auto-formé et adapté à l’équipement en place dans son établissement), d’autres obstacles devront être surmontés :
Si l’investissement en équipement est généralement pris en charge au niveau académique et/ou des collectivités territoriales, l’installation et l’entretien est ensuite géré au niveau des établissements. Cela conduit souvent à un manque de cohérence qui donne lieu à des situations cocasses. J’ai ainsi eu l’occasion de croiser récemment une flotte de tablettes (environ 5000 euros d’investissement) restées dans leurs emballages parce que l’établissement n’avait pas compris qu’il fallait aussi commander un routeur wifi pour les faire fonctionner… De même, j’ai aussi vu un TBI installé depuis plusieurs années dans une salle sans stylet ni logiciel parce que l’ensemble de l’équipe semblait penser qu’il s’agissait d’un simple support de projection…
Si la plupart des « plans numériques » mettent en avant l’investissement en matériel (calculé en nombre d’ordinateurs ou de tablettes), rares sont ceux à évoquer la question pourtant cruciale des connexions à Internet. N’importe quel enseignant pourra témoigner de son désespoir face à une activité préparée pendant des heures et qui fonctionnait parfaitement chez lui… mais qui finalement n’a jamais fonctionné dans la salle informatique de l’établissement car la lecture par 25 ordinateurs en même temps d’une petite vidéo n’est pas supportée par le réseau ! Si ce genre de mésaventure peut prêter à sourire, elle explique en fait l’abandon total de l’outil informatique par nombre de collègues. L’actuel gouvernement semble cependant avoir pris la mesure de ce problème en proposant un « plan très haut débit » attendu avec impatience.
Cette nécessité devient d’ailleurs de plus en plus pressante non seulement pour accompagner le déploiement des tablettes, mais aussi pour suivre l’évolution des pratiques et des ressources numériques qui proposent de moins en moins de logiciels et de plus en plus d’applications en ligne. Or, là aussi, il y a une nécessité d’adaptation et de réflexion de l’Education nationale face à la multiplication des éditeurs privés qui proposent des applications ludiques, innovantes, adaptées aux attentes des élèves et des enseignants… mais qui sont très souvent payantes et par conséquent inaccessibles pour la plupart des établissements qui n’ont pas les moyens de s’y abonner. Ne serait-il pas possible d’envisager une politique de coopération de l’Education nationale avec ces entreprises afin de les aider financièrement à se développer en échange d’un accès gratuit pour les élèves et enseignants ?
BYOD : solution pédagogique ou gestion de la pénurie ?
Dans l’attente de solutions de la part de l’institution, les équipes éducatives font souvent preuve d’une imagination créative époustouflante afin de contourner ces difficultés. Cependant, depuis la rentrée 2014, j’ai été particulièrement agacé par le développement d’une nouvelle tendance présentée par certains comme la prochaine étape incontournable du développement numérique en milieu scolaire : le BYOD (Bring Your Own Device), c’est-à-dire la possibilité pour les élèves d’apporter en classe leur matériel personnel).
Si je n’ai personnellement pas attendu l’apparition de l’acronyme pour autoriser mes élèves à utiliser leur matériel en salle de classe, je reste pour le moment très sceptique sur la théorisation et la généralisation de cette pratique.
En effet, comme le révèle l’acronyme, le BYOD s’est d’abord diffusé dans les entreprises, puis dans les écoles anglo-saxonnes. L’idée initiale s’inscrit en fait dans l’évolution des pratiques professionnelles développée par les grands groupes américains qui visent à atténuer la distinction entre le temps de travail et le temps personnel. Elle s’est ensuite diffusée au sein du système éducatif avec une ambition éminemment pédagogique : permettre aux élèves de poursuivre leur progression et leur réflexion à leur rythme, y compris en dehors de la salle de classe. Or, une telle pratique n’est possible à l’école qu’à deux conditions :
Que l’établissement scolaire soit doté d’une couverture Wifi permettant aux élèves de se connecter au réseau de l’établissement avec son matériel personnel,
Que l’établissement soit équipé d’une flotte de matériel à destination des élèves qui ne peuvent pas apporter le leur, qui l’auraient ponctuellement oublié, ou qui font face à une panne.
Dans ce contexte, le BYOD est tout à fait légitime et intéressant. Cependant, sa diffusion au fil des années et des pays perd progressivement cette idée initiale pour parfois aboutir à une simple gestion de la pénurie matérielle par extériorisation de l’équipement aux frais des familles.
Il suffit pour s’en convaincre de lire les nombreux articles relatant des pratiques de BYOD en France qui se résument souvent à donner des conseils pratiques aux collègues pour l’intégration du matériel personnel des élèves sans forcément en interroger les présupposés. Par ailleurs, il convient de mesurer le différentiel gigantesque qu’il existe entre les écoles américaines et les écoles françaises dans le déploiement du wifi. Encore une fois, à la lecture des témoignages des collègues qui pratiquent le BYOD, on s’aperçoit qu’il est généralement demandé aux élèves d’apporter non seulement leur matériel personnel, mais également d’utiliser leur forfait personnel !
A moins d’exercer dans un contexte particulièrement privilégié où l’ensemble des parents dispose des moyens d’équiper leurs enfants, ce genre de pratique est évidemment en totale contradiction avec les présupposés d’une pédagogie participative et sociale.
Quel matériel pour la PEPS ?
La question du matériel est souvent évoquée par les collègues lorsque je suis invité à présenter les principes de la PEPS. Le blog Historicophiles, les capsules vidéos, l’utilisation des réseaux sociaux… donnent parfois l’impression que sa mise en oeuvre serait réservée à des profs et élèves geek. Et pourtant, il n’en est rien !
Bien qu’il puisse facilement devenir un facteur de différenciation, l’utilisation du numérique dans le cadre de la PEPS vise au contraire à essayer de résoudre le problème des inégalités scolaires. Tous les outils testés et utilisés dans le cadre de la PEPS répondent à deux exigences initiales : gratuité et simplicité.
Ensuite, le niveau d’application de ces outils s’adapte en fonction des compétences, envies et équipements du prof et de ses élèves. Exerçant dans un établissement rural, tous mes élèves ne sont pas équipés d’un smartphone, la 4G n’est pas encore déployée et nous rencontrons des gros problèmes de débit sur les PC à certaines périodes. Et pourtant, cela fonctionne car je n’oblige pas les élèves à utiliser tous les outils, mais je les invite à choisir ceux qui correspondent le mieux à leur équipement et à leurs pratiques quotidiennes :
Niveau 1 : Si l’élève n’a pas de smartphone, ni de PC à la maison et qu’il n’utilise pas les réseaux sociaux, il a la possibilité d’aller régulièrement en étude ou au CDI pour réaliser les activités préparatoires qui sont disponibles au minimum une semaine à l’avance (bien que j’essaie généralement de les rendre disponibles de vacances à vacances, c’est-à-dire au moins 7 semaines à l’avance).
Niveau 2 : Si l’élève possède un ordinateur personnel connecté à Internet, un smartphone, mais refuse d’utiliser les réseaux sociaux à des fins scolaires, il est alors plus libre d’organiser son emploi du temps de travail et n’est pas contraint par les heures d’ouverture du CDI. Il a également la possibilité de se rendre régulièrement sur le blog, voire de s’abonner pour recevoir un mail à chaque actualisation, et peut utiliser Liberscol ou une adresse mail professionnelle pour me poser d’éventuelles questions. Néanmoins, je reste ferme quant à l’organisation des activités préparatoires à la maison. Puisqu’elles sont disponibles au moins une semaine à l’avance, aucune excuse n’est acceptée si, par hasard, l’ordinateur ou la connexion venaient à tomber en panne la veille de la date butoir… (lire à ce sujet l’article consacré au travail à la maison)
Niveau 3 : Si l’élève possède un ordinateur personnel connecté à Internet, un smartphone et accepte d’utiliser ponctuellement les réseaux sociaux à des fins scolaires (95% des élèves), une multitude de possibilités s’offrent à lui :
recevoir des notifications régulières l’informant des travaux à rendre, des mises à jour du blog, des absences du professeur, mais aussi recevoir régulièrement des informations complémentaires au cours qui sont publiées sur les réseaux sociaux.
Il peut utiliser les fils d’information Twitter ou Facebook pour poser des questions à l’ensemble de la communauté Historicophiles en ligne.
Les conditions matérielles qui sont actuellement les miennes en établissement ne me permettent pas encore de pousser la mise en oeuvre de la PEPS à un autre niveau qui pourrait cependant prendre cette forme :
Niveau 4 : Ma salle de classe est équipée d’une flotte de tablettes et d’une connexion Wifi (activée uniquement en cas de besoin pour limiter les ondes), ce qui me permet :
D’offrir la possibilité à mes élèves de venir avec leur matériel personnel et ainsi d’éviter la rupture technologique qu’il existe parfois entre leur domicile et l’établissement. Bref, d’utiliser le BYOD en respectant ses idéaux pédagogiques d’origine.
De mettre régulièrement à disposition des autres élèves des tablettes afin de ne pas extérioriser systématiquement les activités préparatoires en dehors de la classe,
De multiplier les occasions de validation des connaissances à l’issue de chaque séance (avec des outils de type Google Forms, EvalQCM, Socrative…) afin de pouvoir adapter le contenu du prochain cours en fonction de l’avancement des élèves,
D’aller encore plus loin dans la différenciation pédagogique en proposant plus facilement des activités en ligne permettant à chaque élève d’avancer à son rythme dans des tâches complexes décomposées en plusieurs modules (avec des outils tels que Canvas).
D’aller encore plus loin dans la solidarité et le travail d’équipe en classe en proposant des activités d’écriture collaborative (avec des outils tels que Google Doc, framapad…) qui encouragent la correction par les pairs et la coopération créative (indispensable notamment pour le travail sur les transitions).