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Comment gérer la fracture numérique ?

L’intégration d’outils numériques dans la progression pédagogique renforce-t-elle les inégalités ? La classe inversée doit-elle être réservée à des établissements privilégiés bénéficiant d’un fort taux d’équipement, ou bien d’élèves déjà équipés ? Ces questions sont importantes et méritent d’être posées car elles sont récurrentes. Néanmoins, elles témoignent à mon sens d’une inversion du problème.

La fracture numérique est une réalité aussi tangible que la fracture sociale. Ce n’est pas pour autant que l’école républicaine française a décidé d’abandonner l’éducation des  plus modestes. Au contraire, c’est une des fiertés du système scolaire français de continuer à faire fonctionner autant que faire se peut l’ascenseur social.

Non seulement la PEPS s’inscrit dans cette logique, mais elle entend également la renforcer !

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D’abord, il convient de relativiser les chiffres de la fracture numérique.

La dernière enquête du CREDOC sur la diffusion des technologies de l’information et de la communication dans la société française montre certes que 17% de la population française n’a pas d’ordinateur et que 23% n’a pas accès à Internet à domicile, mais :

  • 100% des 18-24 ans disposent d’un téléphone mobile et 78% l’utilisent pour aller sur Internet,
  • 99% des adolescents disposent d’un ordinateur à la maison et 63% d’entre-eux sont même multi-équipés.

A de rares exceptions, les adolescents qui sont dans nos classes sont donc équipés et utilisent quotidiennement les technologiques de l’information et de la communication (TIC). Ce que l’on appelle la fracture numérique apparaît en fait à partir du moment où ils quittent nos salles de classe plus ou moins diplômés :

  • 96 % des diplômés du supérieur possèdent un téléphone mobile, contre 70 % seulement des non-diplômés.
  • La moitié des diplômés du Bac et du supérieur ont l’usage d’un smartphone, mais seuls 30 % des titulaires du Bepc et 16 % des non-diplômés disent en posséder un,
  • 62 % des non-diplômés disposent à la fois d’une ligne fixe et d’un téléphone mobile, contre 89 % des personnes issues de l’enseignement supérieur,
  • quasiment tous les diplômés du supérieur ont un ordinateur chez eux (97 %), contre une personne sur deux parmi les non-diplômés (51 %),
  • 52 % pour les non-diplômés ont une connexion Internet à domicile contre 95 % pour les diplômés du supérieur.

Il serait réducteur d’affirmer que seuls l’équipement et la maîtrise des TIC justifient ces différenciations entre diplômés et non-diplômés. Néanmoins, cet élément ne peut pas être non plus totalement écarté et c’est pourquoi l’usage des TIC dans l’apprentissage doit faire l’objet d’une réflexion.

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Comme le montrent les chiffres ci-dessus, la très grande majorité de nos élèves sont équipés pour suivre un apprentissage utilisant les TIC. Que faire cependant pour intégrer, sans discriminer, un élève qui n’aurait pas d’ordinateur de connexion à la maison ? 

  1. Faire le bilan numérique de la classe : lors de la première heure de cours, je fais remplir une fiche à mes élèves pour savoir s’il disposent d’un ordinateur personnel / familial, d’une connexion Internet, d’une imprimante et d’un smartphone connecté. Cela me permet de dresser le profil numérique de ma classe et d’évaluer les possibilités pédagogiques dans ce domaine au cours de l’année.
  2. Faire le bilan numérique de l’établissement : je présente ensuite les équipements et leurs modalités d’accès au sein de l’établissement (salles informatiques en libre accès, salles d’étude équipées d’ordinateurs, Internat, CDI, etc.). Cela me permet d’expliquer aux élèves que je n’exige pas d’eux d’être équipés, mais qu’ils ne pourront pas utiliser cet argument pour ne pas faire le travail demandé.
  3. Fixer des règles et délais de travail précis : s’il n’était jadis pas possible d’aller vérifier l’estomac du chien qui mangeait systématiquement les devoirs de Paul, il ne sera pas non plus possible de vérifier que l’ordinateur ou la connexion de Pierre est bien tombée en panne au moment de réaliser l’exercice en ligne. Or, force est de constater qu’à partir du moment où j’ai commencé à donner du travail en ligne, une mystérieuse force tellurique s’est abattue sur l’espace proche de mon établissement, faisant régulièrement bugger les ordinateurs de la région. Au bout de quelques mois, je me suis contraint à donner systématiquement une semaine de délai pour toute activité à réaliser en ligne en précisant que je n’accepterai plus aucune excuse puisqu’il est de la responsabilité des élèves d’anticiper une éventuelle faille technique pour se tourner  vers le matériel mis à la disposition dans l’établissement. Depuis, les fabricants de matériel informatique et les fournisseurs d’accès à Internet semblent avoir magiquement trouvé une solution au problème des pannées à répétition…